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Chantale Heimo étrenne depuis quelques semaines son atelier à Grimisuat. Coiffeuse de formation, elle est passée par Paris et la Catalogne. En Valais, la sculptrice métamorphose l’arole en des courbes « soyeuses », naturelles. À découvrir. Impérativement.

 

Regarde. Écoute. Chantale Heimo irrigue les veines de ce morceau d’arole. « C’est ma première pièce depuis mon retour en Suisse ! » A la gauge. À la lime. Au papier de verre. « Un bois facile à travailler.»  L’outil qui prolonge le corps. Chantale a fait de la danse, de la grimpe, elle connaît le mouvement qu’elle devrait doser. Elle peine à s’économiser. Dans un sourire épanoui, Chantale m’explique ses tendinites. Une limite qu’elle écoute. Parfois. « J’aime le métier artisanal, j’aime travailler avec mes mains. »

Regarde. Écoute.

C’est un moment de vraie Éternité où le temps se réduit aux dimensions de foutriquet comptable. Il s’oublie. « Je ne vois plus rien passer, j’ai le sentiment qu’une heure s’est écoulée alors qu’il y en a eu trois… »

En quelques minutes, j’ai bien senti que devant son établi, elle était un concentré d’énergie. Têtue. Investie dans/sur l’arole. Avant, il s’agissait d’un arbre, qui étirait ses 13 mètres de haut vers le ciel. Destiné à la déchiqueteuse, débité en plusieurs sections récupérées par Chantale. Dès l’été 2018, depuis Haute-Nendaz, il est venu se métamorphoser entre ses mains gantées. « J’étais émue de travailler un arbre entier. » Elle entretient un rapport organique avec cette matière. Elle la respecte avec une réflexion nourrie.

Novembre 2019 : elle en a quasi terminé avec cet arbre ! « C’est mon rythme.»

Fribourg (naissance) puis Morat (Friboug/Suisse), puis Paris (France), puis Gerone, Besalu (Catalogne) et enfin Grimisuat (Valais/Univers) marquent par de la géographie ses évolutions.

Lis. Découvre.

Fribourg, c’est l’origine, sa naissance de 1978 (et son accent que la tronçonneuse ne parviendrait pas à couper). Morat, c’est son apprentissage de coiffeuse. Pas classique, la formation. « Je n’ai jamais été trop scotchée au traditionnel. » Sa technique lui permet d’être consciente des volumes et de l’aspect tridimensionnel d’une masse. Capillaire ou autres. Cela lui sert pour la suite. La vingtaine assumée – et un CFC passé en 1998 – elle part se brancher aux courants de la Ville lumière, Paris. Pas non plus des salons pour mémères permanentées et couches de laques. « C’était au Marais, sous une verrière de 250 mètres carrés, en plein milieu de galeries d’art… » Le contemporain l’imprègne, elle modèle en autodidacte. « Au début, cela ressemblait à des totems primitifs, du figuratif sauvage. Je n’avais pas la technique. Je travaillais sur de l’argile, cela pétait à la cuisson. »

La vraie technique, Chantale l’acquiert en Espagne, loin du tissu trop urbain, proche de la rudesse de Gerone puis Besalu, villages catalans. 2009, son « diplôme de technicienne en Art appliqué à la sculpture, à l’école d’art et supérieur de disseny d’Olot » est décroché. L’académique, une coche, c’est bon, c’est fait. « Mais j’ai dû alors retrouver la spontanéité de mes débuts. » Apprendre à oublier, oublier d’apprendre et renouer avec sa nature, LA Nature. « Je voulais arriver à ce que la Nature fait et pas l’humain. Mais il est prétentieux de dire qu’on y arrive, la Nature est tellement parfaite. »

 

Lis. Découvre le site de Chantale : https://chantaleheimo.com/

Comme moi, lors du premier clic, c’est quand même un petit peu vaguement comme une claque de beauté. Cela paraît d’une facilité déconcertante, comme spontanément sous les doigts. À d’autres ! Un ersatz d’observation t’indique à quel point c’est ardu d’y arriver. « C’est vrai : c’est supercomplexe en fait ! Je dessine, je fais des croquis, je prends des notes. C’est d’abord une pluie d’idées avant que cela ne coïncide avec ce que je veux dire. »

 Ce matin de 9 h 30, à Grimisuat, délivre une lumière poudrée, d’un jaune pâle dans l’atelier. Avant de le trouver « par le bouche-à-oreille » – Chantale devait se sentir incomplète en Valais. Elle y a passé des moments d’enfance à Ovronnaz. Son père, puis son frère (« depuis 14 ans » : il y tient le restaurant Chalet La Maya à Thyon-Les Collons et expose quelques œuvres de Chantale), puis sa mère se sont installés dans le canton. Il ne manquait plus qu’elle, quoi. « J’avais besoin de revenir vers mes racines, la Suisse, les Alpes, les montagnes. » La revoilà dans SA nature, dans un canton où « elle a tout à découvrir ». « Si j’étais un animal, je me sentirais bien ici… »

Son nid installé, Chantale crée, coupe des cheveux (« Je n’ai pas encore fait de la publicité. »), se compose un book avec une amie designer. Elle démarchera alors des galeries. « J’ai dressé une liste de lieux qui m’intéressent. »

Tu pourras alors voir et sentir ses sculptures terminées à l’huile de lin et à la cire vierge faite maison. Pour de vrai. Toi, je ne sais pas, mais moi j’ai assez hâte.

Joël Cerutti

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