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Béatrice Riand, chez elle, juste après la balade autour du Lac de Montorge. Sur le moment, pas eu le temps (et même pas pensé) à en faire une…

 

Sorti voici presque un an, « Si vite que courent les crocodiles » a fait plus que rencontrer son public. Le livre de Béatrice Riand a également glané le Prix 2023 de la Société des écrivains valaisans. Ce « microroman », publié dans la collection Uppercut chez BSN Press, méritait un podcast. Comme une partie de l’action se déroule à Montorge, l’interview s’est réalisée en marchant autour du lac. On y croise des gens, on évite des gouilles, on entend la pluie qui tombe sur les parapluies. Génial!

PS: Fin août 2022, j’ai rédigé pour le site l’1dex, un court article sur « Si vite que courent les crocodiles » que voici, que voilà:

Le rythme de l’exutoire

« Si vite que courent les crocodiles » donne au galop des mots une vertu salvatrice. Ce microroman apporte un peu d’oxygène dans un univers essoufflé.

Quand il y a un trop plein d’intelligence dans la tête, la connerie du monde vide les énergies. Elle laisse désemparé face à l’effrayante réalité des autres. Elle condamne au repli sur soi-même. Elle enferme dans une forteresse de solitude dont l’épaisseur des murs se consolide au quotidien.Pour avoir la paix – pas d’intrusion, fuir les contacts, s’isoler dans une quiétude illusoire – l’héroïne de « Si vite que courent les crocodiles » dit « oui ». À tout et tout le temps.

Comme ça, pas d’affrontement.

La jeune fille accepte et paie ensuite l’addition très salée de ses compromissions obligatoires. À l’école, cette surdouée saute une classe et, du coup, se meut dans un marécage où flottent des « crocodiles ». Ces entités animales, brutes, qui tracent dans les eaux d’un bayou dont ils connaissent les codes. Eux. Ce sont des élèves, des professeurs, d’autres adultes.

Lassée de ne se trouver aucune place dans sa famille ou au collège, cette ado se donne deux alternatives : en finir ou traîner en justice des parents qui n’ont pensé à rien avant de la concevoir. Elle choisit la seconde option, elle monte un réquisitoire contre son troupeau, elle plaide sa cause. C’est binaire. L’avocat qu’elle consulte lui offre une troisième voie, un exutoire afin qu’elle se retrouve, elle, grâce à la course.

Dans la ville aux deux châteaux, autour d’un lac naturel, avec ses baskets bleues, elle se tracera un nouveau parcours de vie, affirmera son identité, affichera face aux lycéens la force de son génie créatif.

La collection « Uppercut » de BSN Press pose des principes clairs : un texte court avec une thématique sportive. Dans ce microroman, Béatrice Riand adapte son rythme d’écriture à cette contrainte. Ses mots galopent d’une page à l’autre et entraînent le lecteur dans une cadence soutenue. Aucune rupture typographique au déroulé des phrases, cela doit s’enchaîner sans cesse, que l’on comprenne l’étouffement de l’héroïne et le second souffle que lui apporte sa course. On ne lâche pas ce « run » de 74 pages, on avale point, virgules afin d’atteindre la ligne d’arrivée au plus vite.

Béatrice Riand esquisse des solutions là où elle aurait pu uniquement poser un constat de victime. Ce second ouvrage marque un pas. Il sort de l’autofiction (« J’aurais préféré Baudelaire heureux » – 2018) pour dessiner de nouveaux horizons romanesques. À suivre. On espère un chrono plus rapide avant de découvrir la prochaine œuvre.

Joël Cerutti

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