Depuis 5 ans, Chantal Pralong-Costa sème sur les réseaux sociaux ses dessins de Firmin. Un prénom un peu désuet qui délivre des messages apparemment simples… mais nécessaires ! Chantal ne se résume pas uniquement à son personnage. Alors, j’ai partagé quelques verres et des éclats de rire avec elle.
Chantal, tu la vois, tu mesures illico la température de ses états d’âme : « Je suis transparente. Je n’ai rien à cacher, à quoi bon tricher ? »
Lorsqu’elle tient son stand au marché de Sion, dans divers salons, tu sais qu’elle est là. Qu’elle te propose ses dessins, ses créations sur cuir, qu’elle se planque derrière son appareil photo, il y a déclencheur, une balise : son rire.
La preuve : durant l’interview – son nouveau chez elle à Bramois et devant une bouteille de rouge – elle se marre.
Chantal, c’est une grenade à rire qui a oublié où se planque la goupille.
Elle s’esclaffe, se bidonne, s’éclate. « Et encore, je me retiens, sinon cela ferait peur aux gens ! »
Cela la libère et la protège aussi. Il existe des rires qui forment des boucliers. Cela cache, cela évite d’aller regarder la poussière sous le tapis. Chantal t’avoue franchement que sa poussière à elle était devenue un noir troupeau de moutons qui s’appelle « burn-out ». Sans pathos, elle complète: « Pourquoi ne pas dire aussi que le burn-out peut devenir une force ? »
Firmin, l’anti burn-out
Pour trouver un remède à cette sombe mélancolie, Chantal a conçu Firmin, son personnage emblématique et fétiche. « Après trois mois à regarder le plafond, il m’a sauvé, il m’a donné un but, l’envie de dessiner. Je m’exprime à travers lui. »
Portrait (je ne vais surtout pas écrire « robot », damned, je l’ai écrit) de Firmin par sa créatrice. « Il est rouquin, il a une coupe de cheveu pas possible, il pourrait être androgyne, mais non, c’est le mec idéal parce que je l’ai créé ! »
Elle ne s’emmerde pas à compliquer ce qu’exprime Firmin.
« Je ne dis pas « Je » dans mes dessins parce que cela ne le ferait pas. Mais je reste moi-même et je m’en fous. Je n’ai pas envie de ne pas être moi… »
L’air de ne pas y toucher, Firmin te distille des messages d’une délicatesse sibylline. Cela apparaît comme simple et cela creuse plus profond que tu ne le crois. « C’est comme un selfie, je voulais montrer ce qui m’anime tous les jours. Quand cela ne va vraiment pas, tu verras Firmin en noir et blanc. Firmin se bataille un peu pour que passe un message de tolérance, il incite à cette réflexion. Dans un couple, il a pris le côté égalitaire, le partage… »
Un petit service de rouge dans nos verres respectifs et Chantal ajoute : « Sous ses airs gentils, c’est un anarchiste, il mène une révolution dans la douceur… »
Un peu comme elle… « Oui un peu comme moi… sauf quand je gueule ! »
Ah oui, je ne te l’ai pas dit. Elle est aussi ritale et elle le reste, Chantal Pralong-COSTA.
Firmin, cinq ans d’âge
En couleurs ou sans, il touche, Firmin, plein centre, au cœur d’un public qui n’a jamais cessé de croître. 4 540 adeptes (non, je n’écrirai pas « followers », argl, encore raté !) sur sa page FB… Depuis 5 ans, ses confidences ne donnent justement pas dans le confidentiel !
« Je sais qu’il y a des petites dames seules, qui attendent ses publications, que cela leur fait un bien fou pour le reste de la journée. Cela me met une certaine pression, je ne peux pas les laisser comme ça ! Et moi cela me valorise vachement. »
Décoratrice dans une grande surface orange (et pas à plein temps), Chantal (55 ans) a plutôt retroussé haut ses manches côté beurre dans les épinards. Par le biais des Calendriers Firmin, elle rend heureuse l’administration fiscale de ce canton. « Cela paie les impôts… » Elle vise un bouquin Firmin à l’aune de 2020. « Bon, j’ai fait une page. Mais je n’aime pas être dirigée, même par moi… ».
Marteler le cuir avec « Peau de fleur »
Un autre versant créatif de Chantal pose la tablette graphique et empoigne des outils peu utilisés en informatique. « J’adore le cuir… » Elle martèle, elle déguste dans ses poignets et ses épaules, elle s’en fout, elle martèle des milliers de fois. « Je n’ai jamais été aussi bien, je personnalise mes travaux sur cuir, je m’épanouis vraiment dans ce que je fais… ».
Cela pourrait être la classique phrase de conclusion.
Ben non.
Quelques fois, je me suis retrouvé devant son bienveillant objectif. Elle sait saisir sur la carte mémoire de son appareil photo. Avec justesse. « Oui, j’aime capturer des trucs dans la nature qui ne sont peut-être pas vus par tout le monde. Je sais capter via mon hypersensibilité. C’est encore une autre passion que je mets dans mon panier et un peu entre parenthèses en ce moment. ».
Indépendante, Chantal l’est devenue en faisant exploser un carcan conventionnel où elle étouffait. Elle s’est donné le courage de ces femmes qui sautent sans savoir la profondeur du précipice. Chantal a su rebondir par l’art d’être créative. « Toutes les baffes que tu prends te font progresser. Elles te donnent la rage pour monter plus haut, sur la marche suivante. Si tu laisses aller, cela te pourrit l’existence. Sinon, elles sont là pour te la faire plus aimer, la vie. » OK, là, j’ai trouvé ma phrase de conclusion.
Joël Cerutti
Le site de Chantal où y’a tout: http://www.lesptitsclinsdoeil.ch/
Pages Facebook: Firmin et Peau de fleur et Photographies
PS : cette interview a été réalisée le 23 septembre, quelques jours avant que Chantal ne se casse le coude droit. Il te faudra attendre quelques mois (peut-être…) pour revoir du Firmin inédit. Chantal a également choisi toutes les illustrations de ce reportage.