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Véronica Elena Photographie.

Dans l’univers de la chaussure, Florence Maurer apporte une éthique nécessaire. Ses modèles, vendus en Suisse, arrivent sans intermédiaire du Pérou où ils assurent le salaire d’artisans justement rétribués. Sa société Ermanos a trouvé depuis 2017 bon port à La Cabine de Sion.

 

À l’École Hôtelière de Lausanne, Florence Maurer passe sans doute et encore pour un phénomène. Dans ce genre d’établissement, lorsque se pointe le moment des stages, le prestige est une valeur sûre. Les élèves se flattent de viser des établissements aux noms clinquants et qui rutilent en quadrichromie sur les pages glacées des magazines. Pas de traces de bling bling m’as-tu vu chez Florence Maurer. « Je ne voulais pas d’une grande entreprise, c’était clair… » Elle préfère s’investir, via une société éthique et américaine, dans un projet au Pérou. Elle s’y sent en terrain de connaissance.

L’Amérique du Sud, elle l’a arpentée. La langue espagnole, elle maîtrise.

« L’idée me plaisait… mais je ne savais pas où je mettais les pieds, c’est le cas de dire… Il s’agissait de revaloriser le savoir-faire d’artisans en exportant les produits qu’ils fabriquaient. Le marché local étant saturé, il fallait en trouver un nouveau afin d’assurer des places de travail stables. Les produits ont donc été « designés» pour l’exportation par une créatrice américaine. »

Entre le Pérou et les États-Unis

Florence transbahute sa bonne volonté, son concentré d’énergie professionnelle sur place. Il s’agit, pour elle, de superviser cette période charnière. Celle qui ouvre la porte à des places de travail qu’elle organise, qu’elle gère, qu’elle supporte, qu’elle soutient. « Je me situais à un poste intermédiaire entre le Pérou et les États-Unis. Je supervisais les standards de qualité autour de la réalisation et de son développement. Les deux se devaient de correspondre… »

Rédigé comme ça, cela sonne comme du pur management. Pourtant non.

Florence Maurer, photo tirée du site www.ermanos.com

« Dans toute cette aventure, il y avait déjà la valorisation d’un travail artisanal qui se transmet entre générations. Je ne travaillais pas pour une ONG où, une fois terminée la journée de travail, je me reposais dans le luxe d’une chambre d’hôtel. Je me suis complètement immergée. Je logeais chez l’habitant, je passais énormément de temps dans les locaux. Durant deux mois, j’ai dû gagner la confiance d’une douzaine d’employées. J’étais juste assise dans le coin d’une table, je les regardais travailler, j’essayais de faire certaines choses. Comme j’étais en compagnie de personnes généreuses, petit à petit, les liens se sont tissés. »

 Florence ne pratique pas non plus la naïveté illuminée. Le travail éthique impose rigueur et réalisme.

« L’équitable, cela implique d’une part d’assurer des salaires dignes aux artisans mais aussi d’encourager une qualité et un rythme de production qui permettent à l’entreprise d’être durable. C’est un équilibre difficile. Nous avons mis en place un système salarial qui prenait en compte à la fois le nombre de chaussures réalisées et la qualité de production. »

Ermanos, une société pour la chaussure éthique

Florence revient du Pérou, six mois plus tard, avec des valeurs renforcées. « Cela a été une expérience forte qui m’a fait beaucoup de bien avec des riches retours humains. J’ai connu un vrai choc en sens inverse lors de mon retour en Suisse. » Elle décide de compléter sa formation de base en gestion d’entreprise avec une spécialisation en entreprenariat. À nouveau en langage simple, Florence se persuade qu’il y a un marché, en Suisse, en Suisse romande, en Valais, à Sion, pour la vente de chaussures éthiques. « Je crois en ce genre de projet alternatif où les produits proposés racontent des histoires. On sait d’où ils viennent… » Florence retourne plusieurs fois au Pérou, elle garde le contact avec la manufacture qui prend du volume, évoluant de 12 à aujourd’hui 110 places ! Via Skype, elle se tient régulièrement au courant des événements locaux. Florence constitue sa propre Sàrl et compose graviers après pierres la société Ermanos. « La première année, j’ai gardé un emploi à 50 % comme réceptionniste dans un hôtel. Cela me mettait moins de pression et j’ai pu poser les choses comme je le sentais. Petit à petit j’ai pu me verser un petit salaire et m’investir totalement. »

Noémie Schmidt en mannequin

De la génération réseau, Florence sait renforcer son tissu social et nouer des liens efficaces. Elle fédère, elle persuade la comédienne Noémie Schmidt« une amie » – de se poser en mannequin devant la photographe Délia Zufferey.

« Lorsque l’on fait les choses avec passion, cela se ressent, les gens le voient, le soutiennent. »

Avril 2017, elle ouvre un espace vente au sein de La Cabine, un lieu sédunois qui héberge graphiste, journal et autre café.

Dans ses mètres carrés, Florence diversifie son offre éthique. « Il y a des bijoux en laiton qui viennent du Kenya. Ils sont confectionnés grâce à la récupération de poignées de portes ou de robinetterie. Cela fait vivre toute une communauté. Les Panamas, je les ai grâce à une Péruvienne qui habite Sion. Elle va les chercher, deux fois par an, directement dans la région de Montecristi où ils sont confectionnés. Tissé à la main, la réalisation d’un seul chapeau peut prendre jusqu’à 3 mois ! »

Florence recherche aussi des interlocuteurs un peu moins éloignés sur la mappemonde. « Pour la petite maroquinerie, je me suis rapprochée d’une designer qui réalise elle-même ses pièces en France et que je commercialise ensuite. Je dois veiller à ce que le produit ait un potentiel de vente et respecte un maximum de critères responsables. Je sais à quel point il est difficile d’avoir un contrôle sur toute la chaîne, pour le cuir notamment. Il faut être conscient de toutes les améliorations possibles, qu’elles soient sociales ou environnementales. »

Par les modèles d’Ermanos, Florence se situe hors mode et hors temps. Ils s’adressent à toutes les générations. « Alors, oui, mes chaussures coûtent 3 à 4 fois plus cher que celles qui se vendent dans des grands commerces (de 118 à 288 frs, NDLR). Mais elles peuvent durer dix ans, ou plus, si on les entretient. Si on calcule bien, elles se révèlent meilleur marché ! »

Joël Cerutti

Photos Délia Zufferey, Fahny Baudin, produits Nisolo et Valais Surprenant

www.ermanos.com

Page Facebook

Magasin : rue de l’Industrie 40 – 1950 Sion

PS: Une première version de ce reportage est parue sur l’ex-site alternaTiVe le 29 mai 2017. Celle de Valais Surprenant a été réactualisée avec l’aide de Florence Maurer.

Tu trouveras toujours chaussure à ton pied et article accordé à ta sensibilité sur ce site. Le faire circuler est la meilleure façon d’ en assurer l’évolution.