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Martigny, le 28 septembre 2011, Harlyn Geronimo arrière-petit-fils du guerrier Geronimo © Sedrik Nemeth

Voici dix ans, Harlyn Geronimo visite la Suisse, invité par la Foire du Valais. Une rencontre qui marque un journaliste! L’arrière-petit-fils du mythique guerrier apache, nous confie alors ses combats, ses révoltes et un message pour notre canton marqué par le «Dzil». Je te laisse les (re)découvrir! Harlyn nous a quittés en novembre 2020.

 

Son nom incarne tout un pan de l’Histoire américaine : Geronimo. Il porte le prénom d’Harlyn et il est l’arrière-petit-fils de celui qui est devenu une icône apache. En 2011, durant quelques jours, avec son épouse, Harlyn Geronimo, 64 ans, s’arrête en Suisse. Voix posée, grave, réponses précises et détaillées, il est là pour porter un combat : le respect de son ancêtre et de ses dernières volontés.

Barack traîné en justice

Plutôt que d’être enterré à Fort Sill, Geronimo avait demandé que sa dépouille repose sur ses terres natales proche de la rivière Gila. Février 2009, Harlyn Geronimo attaque en justice le président Barack Obama, le gouvernement américain et les secrétaires d’état aux armées et à la défense.

Le fond du problème est que l’armée américaine n’a jamais vaincu Geronimo et ça, elle ne l’accepte toujours pas.

«Je demandais, dans le respect des traditions religieuses du peuple apache, que l’on puisse suivre les souhaits de mon grand aïeul. Ils n’ont pas apprécié cette publicité négative et ils ont tout fait pour étouffer cette affaire. Ils nous ont répondu que cela ne les concernait pas et que nous devions régler ce différent avec l’Oklaoma, l’Etat où se trouve Fort Sill. Ce qui est une fin de non recevoir et manière détournée de ne rien faire. Le fond du problème et que l’armée américaine n’a jamais vaincu Geronimo et ça, elle ne l’accepte toujours pas», regrette Harlyn Geronimo.

Enormes intérêts économiques

Derrière cette procédure administrative, il y a d’énormes intérêts financiers. «Le symbole de mon arrière-grand-père rapporte des millions à l’économie régionale. Les touristes viennent en masse sur sa tombe à Fort Sill et ils ne veulent pas perdre ça !», souligne l’héritier de Geronimo.

Le grand-père de George Bush, en 1918, avec d’autres personnes, a profané la tombe de mon ancêtre.

Qui rappelle aussi un autre pan peu glorieux de la petite histoire américaine. «Le grand-père de George Bush, en 1918, avec d’autres personnes, a profané la tombe de mon ancêtre… Les forces que je dois combattre sont d’une grande ampleur et il ne sera sans doute pas facile d’arriver à mes fins. Mais je renoncerai jamais car je suis un Geronimo de tout mon être. Nous ne demandons pas un traitement de faveur, d’autres tributs ont obtenu que la dépouille de leurs ancêtres regagne leur terre natale. C’est la seule façon pour que l’esprit de mon arrière-grande-père atteigne la sérénité et soit en paix, c’est la seule façon de tourner la page. Je ne peux admettre une justice à deux vitesses ! »

Ben Laden = Geronimo

La révolte d’Harlyn et sa famille ne s’est pas apaisée au printemps 2011 quand ils ont appris que Ben Laden portait «Geronimo» comme nom de code dans l’opération qui a conduit à son élimination.

Vous savez, actuellement, il y a 50 000 Améridiens qui se battent pour les Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak. Qu’ont-ils ressenti ?

« Lorsque cette information nous est parvenue, la tribut apache a été abasourdie. Il est totalement inacceptable d’associer celui qui a été l’ennemi public numéro un – responsable de milliers de morts – à une des figures les plus importantes du peuple indien. Vous savez, actuellement, il y a 50 000 Améridiens qui se battent pour les Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak. Qu’ont-ils ressenti ? Moi-même, je suis un vétéran du Vietnam», précise-t-il.

Mes instructeurs m’ont expliqué qu’ils avaient suivi des cours de guérilla qui étudiaient les techniques utilisées par Geronimo.

au coeur d’un peuple de guerrier, Harlyn doit ses premiers souvenirs d’enfance à son aïeul. «Lorsque j’avais 4 ans, nous étions avec ma famille autour du feu. Et on me parlait de Geronimo, de son charisme, de son magnétisme et surtout de sa capacité d’organisation guerrière. Mais je n’avais aucune idée de l’impact qu’il avait sur la culture américaine. Lorsque je suis arrivé au Vietnam, mes instructeurs sortaient de la grande académie militaire de West Point. Ils m’ont expliqué qu’ils avaient suivi des cours de guérilla qui étudiaient les techniques utilisées par Geronimo. Là, j’ai eu un sentiment de fierté que je partageais avec mon ancêtre.»

Un pays de force

Le père d’Harlyn, durant la Seconde Guerre mondiale, s’est lui aussi battu en Europe sous la bannière étoilée. C’est ce qui relie Arlyn Geronimo à la Suisse et au Valais ! «Après la victoire, mon père a parcouru l’Europe, il s’est promené dans votre pays et il a développé un certain goût pour votre vin », assure son fils, lui-même devenu collectionneur de bonne bouteilles.

Les Valaisans doivent être conscients de cette puissance et ne jamais s’en éloigner. Ils sont bénis des dieux d’avoir une eau propre et un air pur.

Ce mercredi, lors de son arrivée en Valais, il a été frappé par la force des lieux. «En langue apache, le mot «Dzil» désigne à la fois la montage et la puissance. Cette force et cette sérénité se dégagent de votre pays qui possède une nature magnifique. Les Valaisans doivent être conscients de cette puissance et ne jamais s’en éloigner. Ils sont bénis des dieux d’avoir une eau propre et un air pur. Ces ressources, il faut les protéger», milite Harlyn. Chez lui,  l’ancien territoire des Apaches, qui couvrait le Texas, l’Arizona et le Nouveau-Mexique est aujourd’hui souillé, pollué, exploité et dégradé «sans vergogne».

Je suis entendu comme sage et on écoute les fruits de mon expérience.

«Dans ce qui nous reste de terrain, nous savons que nous sommes assis sur des minerais, du pétrole ou de l’or. Nous préférons garder ces ressources sous terre car cela ne nous intéresse pas.»

Retiré de la politique

Vétéran, sculpteur, comédien, Harlyn a fait partie  du Conseil de la tribut apache. « J’étais une voix parmi tant d’autres, une voix qui prenait plus d’importance lorsque je m’exprimais à Washington devant les médias. Aujourd’hui, je me suis retiré de cet aspect politique. Je suis entendu comme sage et on écoute les fruits de mon expérience. Avec mon épouse, je développe mes connaissances médicinales et je tiens un rôle dans le développement spirituel de la tribu.» Karen est d’ailleurs très intéressée par les herbes médicinales qui poussent sur les altitudes valaisannes. «J’aimerais bien rencontrer quelqu’un qui puisse me dire leurs noms et leurs vertus», dit-elle.

Geronimo, jamais vaincu !

L’armée américaine n’est jamais venue à bout des Apaches. Le chef Cochise a mené durant 9 ans une guérilla victorieuse contre les soldats blancs. Il avait été accusé à tort d’avoir kidnappé un enfant. Ce sont les Américains eux-mêmes qui sont venus lui proposer la paix.  A la mort de Cochise, en 1876, le gouvernement américain veut déporter les Apaches dans la réserve de San Carlos, un endroit hostile où ne règnent que pierres et épines. Les deux tiers refusent d’y aller et rejoignent le rebelle Geronimo.

Durant presque trente ans, le chaman et guerrier apache mène la vie très dure à ses ennemis.

En 1858, il a vu sa mère, sa femme et ses trois enfants massacrés par des soldats mexicains et américains. Il a juré de tous les tuer. Durant presque trente ans, le chaman et guerrier apache mène la vie très dure à ses ennemis. Il se rend quatre fois mais reprend toujours les armes.

Personne n’a capturé Geronimo car on ne peut capturer le vent.

Par moment, une armée de 8000 militaires le traque dans les montages. «Personne n’a capturé Geronimo car on ne peut capturer le vent», dit un de ses frères d’armes. Le guerrier apache décide lui-même de se livrer le 4 septembre 1886. Il restera durant 23 ans dans les prisons indiennes. Il se bat avec des mots pour dénoncer le mépris avec lequel les hommes blancs le traitent. «Quand le soleil me regarde, il voit un homme à part entière!», dit-il dans ses mémoires. Geronimo meurt d’une pneumonie à Fort Sill en février 1909.

Joël Cerutti

Photo Sédrick Nemeth

Note: une version abrégée de ce texte est parue dans Le Matin du 29 septembre 2011. Comme elle a disparu des moteurs de recherche, je te mets ici le premier jet, intégral, avant modifications.

Harlyn Geronimo,  atteint par le Covid 19, a rejoint son ancêtre en novembre 2020. Il avait rédigé l’ouvrage «Sur les pas de Geronimo» (Press Pocket – 2014) avec la chamane Corine Sombrun.

Lors de son séjour en Valais, Harlyn avait également été reçu sur la Vigne à Farinet.

Pour en savoir plus: https://www.tombes-sepultures.com/crbst_620.html

Harlyn sur France 2, interviewé par Elice Lucet: https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/harlyn-geronimo-un-apache-a-la-foire-de-lyon_3325577.html