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Il y a soixante ans, Lino Ventura découvre la station de Crans-Montana. L’acteur en a vu de toutes les couleurs mais il en a fait aussi voir à d’autres ! Quelques décennies après son départ (1987), des anecdotes croustillantes restent. Un petit hommage avec quelques archives d’époque et même un croustillant témoignage inédit.

 

Sage, Lino Ventura, à Crans-Montana? Dès les années soixante du siècle dernier, c’est ce qui semble prédominer sur les photos ou dans les articles. Lino te la joue « gentleman curling ». Alors qu’il fuit les journaleux français, il se plie d’assez bonne grâce aux demandes de ceux du cru, les plumitifs locaux. J’imagine que le deal était : « Je pose pour une photo, je tolère une caméra. Une fois. Et après vous me fichez la paix.» Résultat du marché, tu lis une fois par an – dès 1960 – un grand ou petit compte-rendu de ses peinardes péripéties sur glace avec pierre et balais.

Feuille d’Avis du Valais – 5 mars 1960

 

Feuille d’Avis du Valais – 21 janvier 1964

Photo de meilleure qualité – et dans son cadrage original – dont j’ignore l’auteur mais que je crédite pour indiquer ma bonne volonté de ne vouloir spolier personne.

 

Et, en apothéose, un petit sujet de la TSR daté de 1964 où tu vois et entends la bête (de cinéma) en vrai de vrai: https://m.facebook.com/RTSsport.ch/posts/2582023148534140

Dans un sapin les fesses à l’air

Si tu arpentes sur le net, un autre Lino se dévoile. Moins plan-plan pépère. Pour gettyimages, en février 1967, il pose avec un ski bob, une discipline un peu plus aventureuse. L’acteur la pratique sous les conseils éclairés de Gary Perren.

Ski-Bob: The Snow Bicycle. En Suisse, à Crans-Montana, 17 février 1967, sur une piste de ski, l’acteur Lino VENTURA conduit un ski-bob dans la montagne enneigée. Il porte un bonnet de laine et des vêtements de sport. (Photo by Philippe Le Tellier/Paris Match via Getty Images)

Un peu craintif à se lancer sur la piste verglacée –« C’est de la merde ton truc ! », commente d’emblée Lino à Gary –  les deux hommes partagent quelques verres de blanc. Ce qui permet le tutoiement. Lino – d’abord peureux – semble maîtriser le ski bob. A la sixième descente, il sème Gary Perren. Qui aperçoit le kamikaze accroché dans un sapin, les fesses en l’air, le pantalon déchiré, qui lui balance, joyeux: « J’en ai pissé de rire ! » Cette histoire, tu la retrouves dans le livre « Signé Bouby, 90 ans de légende à Crans-Montana » (Editions Slatkine – 2015) auquel j’ai eu l’immense plaisir de participer. Hors micro et stylo, Bouby Rombaldi confiait à François de Michielis, Patrick Nordmann et ma pomme, qu’il y avait évidemment un sujet avec lequel Ventura ne plaisantait pas: la cuisson des pâtes. Il piquait des colères homériques si elle ne cadrait pas avec ses critères d’Italien! Son ami le comédien Bernard Blier – aussi un fidèle de Crans-Montana à ces heures – adorait le chambrer là-dessus! « Je suis un épicurien, c’est mon côté rital. D’ailleurs, il n’y a que les imbéciles qui parlent mal de la table », estime le principal intéressé.

 

 

Pot de fleurs sur la tête

Avec son ami Jacky Billaut, toujours à Crans-Montana, Lino Ventura se retrouve invité à manger chez des restaurateurs genevois. Il savoure un apéro sur la terrasse, au soleil… et se prend aussi sec un pot de fleurs sur la tête, tombé d’un étage supérieur. «Il n’a pas bronché!», se souvient Jacky Billaut. Sous le nom de Lino Borrini, le catcheur Ventura avait décroché le titre de champion d’Europe. Les coups, ça le connaît! Quelques heures plus tard, les deux hommes retournent à leur hôtel. Jacky Billaut tente un raccourci et finit dans un trou creusé pour un futur pylône. Il n’y a plus que sa tête qui dépasse, au niveau du sol! Durant dix minutes, Lino feint d’ignorer le pauvre Billaut, puis s’écrie : «Mais tu es devenu petit, tout petit d’un seul coup… Salut, à un de ces quatre, je rentre me réchauffer…» 

Paquet bourré

Grand amateur de vins bordelais, Lino Ventura aime que ses amis en profitent. Un peu beaucoup. Lorsqu’il vient à Crans-Montana, le voyage en train de nuit se révèle très… arrosé. Ventura a convenu d’un code avec un certain Milo, qui travaille à la gare de Sierre. Lorsqu’il annonce qu’il livre «un paquet», c’est que son compagnon de voyage, ivre, ne tient plus debout. Milo est là pour réceptionner. Il y met les formes: il s’habille en bagagiste du Trans-Orient-Express, casquette et charriot qu’il a « empruntés» de façon durable à la gare de Lausanne. Milo témoigne avoir recueilli, sur le quai de la gare, des célébrités comme Jean-Paul Belmondo ou Bourvil plus du tout en état de marche! Et de les avoir convoyés dans son prestigieux charriot le temps de les porter dans un bus ou un taxi. Cette anecdote ne figure dans aucune biographie mais je n’ai aucun doute sur la fiabilité de sa source ! Bien des années plus tard, en gare de Sierre, on s’est demandé pourquoi un charriot du Trans-Orient-Express traînait dans ses environs. Réponse, indirecte, apportée par Lino Ventura… Cette histoire m’a valu, en avril 2016, le refus de cet article sur Ventura par le journal qui devait le publier, argumentant qu’elle n’était pas crédible

Leçon de cœur

Le Nouvelliste – 20 février 1985

Lino Ventura, voici 54 ans (20 mai 1966), a fondé l’association Perce-Neige pour donner «de meilleures conditions de vies à des enfants pas comme les autres». Père de Linda, une fille handicapée mentale, Lino, avec sa femme Odette recueillent d’emblée une somme colossale pour l’époque, deux millions de francs. L’association élargit par la suite ses buts. «Je ne vous cache pas que nous devons déplacer le Mont-Blanc avec une petite cuillière», comparait souvent Lino Ventura. Pas très loin du Cervin, il s’engage aussi dans les œuvres caritatives de Crans-Montana. Ainsi, quelques petits mois avant sa révérence (22 octobre 1987), il figure parmi les membres du comité de la Nuit des Neiges. Précédant bien d’autres, Lino a été un ambassadeur plutôt persuasif de la région. Il a su y convertir un autre acteur: Alain Delon. En chaque monstre sacré du 7e art, il y aurait comme de l’aspiration au repos. Et elles étaient plutôt peinardes à Crans-Montana, les vedettes, non ? Si l’on excepte le ski bob ou les pots de fleurs, of course…

Joël Cerutti

 

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