Sélectionner une page

Avec érudition et poésie, Magali et Sara Mottet ont conçu un « Petit traité des brumes et simples oubliés » (Éditions Slatkine). Cet ouvrage inclassable effeuille les vertus et les pouvoirs du monde végétal. L’auteure et l’illustratrice y partagent leur amour pour le Moyen Âge.

Attention, ce bel ouvrage est né grâce aux vertus d’une belle ouvrage. Le premier « ouvrage » concerne le « Petit traité des brumes et simples oubliés » (Éditions Slatkine, octobre 2020). Le second « ouvrage » touche le travail soigné qui en marque sa facture et déjoue la catégorisation facile. « Il ne s’agit pas d’un guide et encore moins d’un livre scientifique ou botanique. Nous nous enflammons plutôt autour des aspects symboliques ou historiques, cela se voit… » m’expliquent, dans la tisanerie du Diable Vert, Magali et Sara Mottet.

Bénéfique conjonction

Tu te sens bien dans l’humus de cet article ? Alors je passe aux présentations. Magali, jardinière et horticultrice, écrit depuis des temps immémoriaux. Sara, sa fille, archéologue et historienne, dessine dès l’instant où elle a pu tenir un crayon. Avec le père – Dominique, géobiologue – tu les croises dans un lieu magique aux portes du Valais, Au Diable Vert. « La réunion de ces éléments donne une conjonction bénéfique », observe Magali.

Fin 2019, « juste avant Noël », le duo tente un autre diable : celui des Éditions Slatkine. « C’est Sara qui est partie présenter le projet, indique Magali. Nous avions envoyé auparavant la construction du livre, un conte et quelques dessins… » Un feu (évidemment) vert plus tard commence la collaboration à quatre mains. « Tout était déjà prêt dans ma tête, affirme Magali, c’est Sara qui a eu un sacré boulot d’illustrations et de mise en page. Sans le confinement, nous n’aurions jamais réussi à finir pour cet automne. » Les échanges entre mère et fille imposent une rigueur certaine. « Lorsque j’allais trop loin, Sara me mettait à l’ordre », dit Magali. « Il faut quand même avoir un cadre, on ne peut pas partir n’importe où », confirme Sara… qui au passage commande un conte à sa mère. Car elle avait « envie de dessiner des moutons qui volent… » « J’ai dû me creuser la tête pour trouver quelque chose », avoue Magali.

Il me reste à percer un ultime mystère, celui des « brumes » du titre… « Elles évoquent les interactions entre des mondes différents… », précise Magali.

 

Des infos qui croustillent

Tout baigne toujours dans ce biotope littéraire ? OK… J’en arrive à son cœur qui bat d’infos vitales. Pour ne point te faire languir, sache que ce « Petit traité » alterne descriptions et vertus des plantes avec des contes plutôt noirs. « Oui ce sont des histoires terribles peu destinées aux enfants », s’en amuse Magali.

La classification des « simples » – les plantes, donc – s’égrène le long d’une journée. Entre 6 heures du matin et minuit, tiges, brindilles, pétales, pistils effeuillent sur 358 pages leurs vertus comme leurs pouvoirs le plus sombres.

Et si tu creuses encore, tu t’aperçois que les textes autour de ce monde végétal se découpent comme un jardin médiéval ! Il y a une partie alimentaire, une spirituelle et une qui concerne la santé. S’y faufilent quelques infos qui croustillent sous la curiosité. Tu le savais, toi, que la première Bible, celle de Gütenberg, était imprimée sur du papier de chanvre ? Quant au décodage de l’expression « Il ne faut pas tremper l’Asperge dans n’importe quel coquetier », je te renvoie à la page 254… « C’est ce genre d’anecdotes qui nous plaisent. Elles rendent vivant le passé, elles nous relient aux plantes qui sont nos potes. C’est une autre approche du monde végétal », glissent Sara et Magali Mottet.

Sorcières moins noires

C’est surtout une autre approche du Moyen Âge… « Dès la Renaissance, les valeurs de cette époque ont été rejetées, déplore Sara. On s’est mis à parler d’Ages Obscurs. » Ce « Petit traité » jette une autre lumière sur ce qui croissait dans les jardins des monastères, de ces connaissances partagées avec les médecins et prolongées par les sorcières. « Elles devaient faire pousser des herbes plus ou moins interdites. C’est avec les sorcières que nous avons dérogé sur la vérité historique. Nous les avons sans doute décrites moins noires qu’elles ne l’étaient parce qu’on les aime ! », avouent Magali et Sara.

 Joël Cerutti

Site: http://www.marawa.ch/

Mais encore :

Ce « Petit traité » est la pure émanation imprimée d’Au Diable Vert. Depuis quasi vingt ans (2003), ce lieu – proche de Monthey et surtout de Bex ­–  présente des jardins très extraordinaires. Jadis ses 1,3 hectares se destinaient à une pépinière. Puis Dominique Mottet les a redessinés, réaménagés selon son savoir de géobiologue. Au Diable Vert envoie se promener au diable Vauvert ton rationnalisme adulte et sort des plumes ton âme d’enfant. La balade – guidée ou non par Dominique – aide à la douce réflexion et te remplit de sacrées énergies. La boutique déborde d’anges, d’elfes, de gnomes ou de fées. Elle est enrichie par des créations artisanales dont certaines se réclament d’influences celtiques. Lorsque l’administration ne sévit pas, permission t’est accordée de savourer thés et gâteau dans un espace dont raffolerait Bilbo. Ce voyage inattendu est un remède contre la grisaille ambiante.

En 2015, La Télé de Lilou interviewait Dominique Motter sur place :

Tu pourrais aussi aimer :

Francesca Dumas : « J’essaie d’être une magicienne de la vie ! »