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Sur Vétroz, Pascale Kamber fête en 2019 les quinze ans de sa petite entreprise Idées-lire. A ma connaissance, c’est la seule libraire qui te tire le tarot. Rencontres écrites, photographiées, filmées depuis 2012 réunies en un seul reportage.

 

C’était un caniculaire après-midi d’août 2012. Dans la salle de cours, un spécialiste en assurances m’expliquait comment être administrativement responsable. Il y mettait de la brave conviction. Avec moi, autant te dire, que ce vaillant pauvre gars dansait la gigue au bord du précipice de mon inattention. Mes réflexes de cancre alimentaient une torpeur post-digestive.

Puis, durant le cours suivant proposé par l’AFOREM (où je recevais des notions basiques, comme chômeur, pour devenir indépendant), je me suis revenu z’à la vie. Pascale Kamber venait parler de sa libraire Idées-lire. Elle partageait son expérience de vécu vrai. Ce lutin au féminin, habillée d’une jupe à pois, me semblait si joyeusement atypique. Elle parlait bouquins, passions, pâtes, chemins bizarroïdes de carrière. D’emblée, ma sympathie lui était acquise, je prenais même des notes. Après sa conférence, je me suis proposé pour un article destiné à mon premier blog rien qu’à moi. Cela a donné ça (tu penses bien que mes disques durs gardent tout !) :

Idées-lire, août 2012, version Bramois

« Il vaut mieux être fou que foutu ! »

« Ma librairie ? Vous la trouverez facilement, c’est la maison la plus moche de Bramois ! », indique Pascale Kamber, de la malice dans les yeux. Pourtant, on sent tout de suite sa profonde affection pour cette laideur architecturale ! C’est un peu comme lorsqu’on hérite d’un affreux chien bâtard baveux, qui déborde d’affection. Pour obtenir les deux pièces de son enseigne Idées-lire, Pascale a déployé une stratégie céleste. Jusqu’alors, l’appartement était habité par un célibataire qui n’avait pas l’intention de déménager. Elle a prié pour qu’il rencontre une dame, qu’il en tombe amoureux et que le couple parte vers d’autres horizons. Cela a marché… trois mois plus tard. La librairie Idées-lire prenait ses quartiers, à droite d’un des plus vieux ponts du Valais. « Si elle s’appelle ainsi, c’était pour ne pas écrire : « Elle délire » ! », pouffe notre libraire professionnelle.

Tout fait faux, tout de tout

C’était d’ailleurs ce que lui disaient les papiers administratifs. Selon eux, Pascale Kamber avait tout fait faux. Mais alors tout de tout ! En très mauvaise Suissesse, elle avait quitté une place sûre, confortable dans une grande chaîne romande de librairies. Il fallait vendre des couvertures au kilomètre, oubliant que, dans les livres, les mots ont une âme. « On me reprochait de prendre trop de temps avec les clients. Il fallait réaliser un certain chiffre, on nous mettait sans cesse la pression. Ce n’est pas comme ça que je voyais mon travail. » Sa démission collée, Pascale se retrouve sans plan B dans sa carrière professionnelle et au chômage avec des sanctions. « Je n’ai pas perçu d’indemnités durant trois mois, je n’avais pas de revenus, c’était une période où rien n’allait dans ma vie. Ah, par contre, je suis devenue la Reine des Négociations… »

Arrive un moment où Pascale se met devant une feuille blanche. Elle écrit ce qu’elle extirpe de son cœur, de ses tripes. De cette thérapie éclôt le rêve absolu: avoir SA librairie spécialisée. Elle sent, elle sait que ce qui touche au développement personnel, à la spiritualité, possède un avenir dans les rayonnages. Que le public sera là. C’était il y a une décennie.

Une foi qui soulève l’Himalaya

Pascale approche d’abord une autre librairie de la place sédunoise. Elle propose de gérer le développement de ce secteur. La responsable préfère la vraie littérature. Guidée par son conseiller ORP, Pascale atterrit à l’Association Formation Emploi (AFOREM). Elle y prépare un business plan pour sa librairie. Chiffres en main, on lui déconseille de franchir le cap. « Je suis quand même devenue indépendante, je n’ai plus eu droit au chômage. Avec le recul, je n’agirai plus comme ça. Mais j’y croyais tellement ! »

La timidité de Pascale Kamber ne l’empêchera pas d’avoir une foi qui soulève l’Himalaya. Quitte à en baver. Aucun fournisseur ne lui accorde sa confiance. Pascale connaît les faims de mois qui durent quatre semaines. « Pendant plusieurs années, j’ai mangé des pâtes et du riz », se souvient-elle. Avec un choix de quinze, puis trente, puis quarante livres, elle participe à divers marchés.

À un moment, elle conduit une remorque peu maniable, lourde. « Même les mecs n’arrivaient parfois pas à la déplacer… » La question des clients tombe inéluctablement : « Et votre librairie, elle est où ? » Pascale aura enfin une réponse leur donner le jour où le célibataire amoureux libère, en 2004, les deux pièces qui hébergent Idées-lire. En 2009, l’appartement du dessus se videra également, toujours à cause des prières positives de Pascale. S’y trouvent des cabinets de consultation ou une salle de conférences.

« Une bonne énergie »

Beaucoup de choses pour la « maison la plus moche de Bramois » dont la vue donne sur Longeborgne. « Il se dégage une bonne énergie, c’est pour ça que l’on se sent bien ici . » Les clients d’Idées-Lire prennent leur temps, ils confient leurs envies. Ce jeudi, certains viennent même de Belgique pour revoir Pascale. « Ils sont ici en vacances et ils pensent à moi. C’est cadeau ! Avec ça, j’oublie toute ma fatigue… » Cette fois, plus question de bourrer les rayons avec le tout-venant. « Au début, je lisais tout ce que je vendais. Maintenant, c’est plus difficile à suivre. Je fais confiance aux auteurs. Lorsque je connais bien les goûts d’une personne, je peux lui déconseiller un ouvrage. »

Les conférences organisées par la libraire cartonnent. Pascale se retrouve avec une quarantaine d’intervenants qui attendent un créneau. « Je ne peux pas faire venir n’importe qui, c’est ma crédibilité qui est engagée… » C’est le seul moment où le regard de Pascale se durcit. Dans ce domaine, elle ne supporte pas les fumistes. Août 2012, Pascale se félicite chaque matin d’avoir cru en ses rêves, d’avoir enlevé ses barrières. « Parfois, cela aurait pu passer pour de l’inconscience. Mais il vaut mieux être fou que foutu ! »

Idées-lire, printemps 2018/automne 2019, version Vétroz

L’âme des lames

Depuis cet article, Pascale m’a ouvert plus que souvent des espaces dans sa libraire. Des dédicaces pour le premier « Valais surprenant et (d) étonnant » (2013) puis le suivant (2014, elle y figure en page 157) ? Tapis rouge ! Elle s’affirme dans sa passion de tarologue, déménage dans des locaux plus spacieux et lumineux à Vétroz. Ses consultations augmentent, ses conférences, ses coups de cœur artistiques lui bouffent un temps colossal. Elle lève le pied sur la librairie, la transmute en Centre au printemps 2019.

Un peu plus tôt, pour le site alternative-tv.info, je lui propose une interview filmée, cette fois… Comment dire ? Je me suis senti dans la peau, les bottes et la doudoune de Vincent Munier, photographe animalier. Au Tibet, il a mis des mois avant d’avoir la rarissime panthère des neiges devant son objectif. Avec Pascale, cela a été des plombes de tractations avant qu’elle ne cède… et s’aperçoive que ce n’était pas si terrible que ça ! Regarde :

Le samedi 23 novembre 2019, Pascale s’est révélée fidèle à sa générosité: accès libre au Centre Idées-lire pour le vernissage du site Valais Surprenant. Qui a réuni celles et ceux qui devaient s’y croiser. Pascale, elle, agrandit ses champs d’activité. Se cantonner dans sa zone de confort serait ronfler sur un oreiller de paresse. Pascale s’apprête à donner des cours sur Neuchâtel dès début décembre 2019. Son tarot doit lui avoir sorti des trucs pendables pour 2020 car elle en trépigne d’impatience…

Joël Cerutti

Le site: https://www.idees-lire.ch/

La page FB: https://www.facebook.com/ideeslire/

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