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Gore des Alpes t’interprète un Rhône Tripes où l’hémoglobine coule à flots, où règnent en maîtres le boyau et la libido. Dans ce pays – qui est le mien, le tien, celui de Philippe Battaglia – la si bonne viande n’a pas le temps de sécher. Ou alors sous forme de zombies.

 

Philippe Battaglia cultive l’adéquation entre une de ses fonctions (directeur de la nouvelle collection Gore des Alpes) et sa vie quotidienne. Il le glisse avec une certaine délectation amusée, un air pince-sans-rire : au milieu de son salon, il a placé un cercueil. Quitte à ne pas nier une destination future, autant avoir la garantie d’un ticket bien verni. « C’est un ami qui me l’a offert. Le cercueil provient du rachat d’une petite entreprise de pompes funèbres par une plus grande. Il a ainsi évité la crémation… » Après, Philippe l’a customisé avec une intérieure « doublure léopard » et une Sainte-Cène gravée sur un côté. Pour le moment, l’objet de ce délire funèbre contient des jeux de société.

Gore des Alpes : un marché de niche

Je m’attarde sur cette description car pour moi c’est un détail qui veut dire beaucoup…

J’aurais pu te parler de Philippe Battaglia courtier immobilier, jadis cuisinier dans un asile psy, président du Kremlin (lieu culturel), récent auteur de « Personne n’aime Simon » aux éditions l’Âge d’Homme (hop, casé !). Comme j’occulte des masses d’infos de son CV, cela me laisse des cartouches pour un vrai portrait.

Ici, lorsque je l’interviewe au montheysan Café de La Paix, je place ma focale sur Gore des Alpes. Dont Philippe Battaglia est le porte-étendard et parole. D’autres ont lancé l’idée et ils préfèrent rester dans les limbes de la discrétion. « Lorsque j’ai rencontré cette équipe, ils ont remarqué que j’avais une culture de fond dans le domaine de l’horreur, ils m’ont vite confié la casquette de directeur de collection. »

Oui, Philippe Battaglia se montre : a/ gourmand de séries Z  b/ dévoreur de bobines issues de la blaxploitation. De ce terreau cinématographique grouillant ont poussé les trois premiers titres de Gore des Alpes : « La chienne du Tzain Bernard » (rugie par Gabriel Bender), « Les Intoxiqués » (distillés par Olive), « La robe de béton » (dont le couturier est Battaglia himself). Des dessins signés Ludovic Chappex – clin d’œil kitsch aux pulps des années 30-50 – recouvrent cette « première vague » de rhésus bien dégoulinant. Pour avoir lu deux ouvrages sur trois, je te garantis que cela trucide, fornique, sans trop d’états d’âme. L’action taille dans l’essentiel, tu zappes les chichiteries psychologiques.

« On vise clairement un marché de niche. Si on aseptise, on perd ceux qui y sont et on ne gagne ceux qui sont en dehors. Donc on y va à fond ! Le Valais – où les Alpes en général – possèdent déjà leurs contes et légendes. Ce sont des régions de drames avec des accidents, des faits divers, des secrets, des zones de non droits… Les auteurs doivent tout se permettre ! »

Gore des Alpes : des sales gosses

 Dans le milieu littéraire – plutôt habité au Valais rupestre ou tendance polar – Gore des Alpes se perche dans l’altitude du jamais vu. « Au début, certains auteurs ont cru à une blague de potaches, des idées qui s’échangent entre copains à l’heure de l’apéro. Puis, ils ont vu le site, la promo qui débute et ils se sont dit qu’ils avaient peut-être raté le train. À présent, cela les intrigue, ils voient la collection comme un jouet où ils pourraient se lâcher complètement… » Appel lancé à toi qui te sentirait de taille à taper 100 à 120 pages d’horreur jubilatoire. Gore des Alpes attend ta proposition d’intrigue suintante. C’est du court car cela doit se lire le temps d’un trajet CFF entre Sion et Genève (un peu plus de deux heures, retards non compris).

« Nous allons déjà voir comment cela mord avec l’hameçon des trois premiers livres dès octobre. Nous avons de quoi assurer deux autres vagues », assure Battaglia (soit six publications). Évidemment, cette mentalité trash – celle de sales gosses qui pissent dans le bénitier – (« J’aime bien l’image ! ») pourrait susciter foudres et indignations. Sur ce point, la prose du site se montre claire : « Vous pouvez nous dire tout le mal que vous pensez de nous. On s’en fout, on est en mission pour Satan. » Comme ça, tu sais à quoi tu t’engages si tu deviens un adepte de « la terreur du terroir » !

Joël Cerutti

https://www.facebook.com/goredesalpes/

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