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« Fingen » sera en librairies dès le 7 avril 2023. Entre-temps, on plonge dans ses coulisses. Cela commence le jour où je perds l’éditeur de « Mais des choses pareilles ! »

 

Une idée doit survivre à la mastication. Vous la pétrissez longtemps dans votre bouche et si elle garde sa saveur, il faut foncer. « Fingen » a été ruminé durant des années. Du moins, dans la substance de sa trame. J’avais noté, dans un coin de ma tête, des esquisses de meurtres insolites et c’est là que se cachait la base de ce roman. En parallèle, je voulais créer un personnage singulier, sans attaches et qui résolvait à sa façon ces morts particulières.

Les deux notions procrastinaient librement dans mon cerveau. Il n’y avait pas d’urgence à leur rédaction, j’allais m’y mettre un jour. Quand ? À la Saint Glin-Glin du clavier.

« Je n’ai plus le temps d’être sage »

J’ai 57 ans lorsque je commence à accoucher de mon premier roman «Mais des choses pareilles !». Comme le résume magistralement Jacques Perry dans «Vie d’un païen» (tome 2, «La Beauté à genoux») : «Je n’ai plus le temps d’être sage. Je viens d’entrer dans la course infernale qui ne s’achève qu’avec la mort. Je fourbis l’atelier où je vais peindre, les dents serrées, avec toute ma passion et toute ma force.» La toile ou l’écran blanc : même démarche ! Je ressens une urgence à matérialiser mes idées foldingues maintenant que je sais un peu mieux les structurer et leur donner du corps.

La machine était lancée avec «Mais des choses pareilles !», je ne pouvais laisser cette étincelle se tarir. Je me devais d’entretenir le bûcher. J’ai enchaîné dès juin 2021 avec sa suite, «L’œil du Dahu». J’en étais à sa bonne moitié lorsque j’apprends, en janvier 2022, que cela se fendille du côté des Éditions du Roc. De nouveaux propriétaires, fort sensibles au niveau du tiroir-caisse, interrompent les publications et gèrent les stocks. Plus de nouveautés. Je me retrouve avec mes chapitres sur les bras, car je me vois mal proposer mon «Dahu» à une autre maison… d’autant que le tome 1 est déclaré épuisé. Comment réagir ? S’acharner ? Finir vaille que vaille pour la beauté du geste ? L’expérience m’a montré qu’au lieu de se débattre dans des sables mouvants, il vaut mieux changer de biotope.

« Docteur Petite et Mister Arvine »

Dans un premier temps, je pars sur un Gore des Alpes – collection dont le libellé annonce la couleur ! – avec ses contraintes : 120 000 signes, de l’action, des meurtres, du sexe. L’exact contraire de «Mais des choses pareilles !» où je m’étais donné la consigne de n’y mettre aucun mort (et qui était plutôt prude). Cette entreprise jubilatoire (qui s’appelle «Docteur Petite et Mister Arvine» en titre de travail) dure dans les trois mois et j’y prends un plaisir énorme. Que je n’ai plus envie d’interrompre, car je me suis dépucelé de certains blocages. J’envoie en mai la version finale à l’équipe du Gore qui lui fait très bon accueil, aimerait le sortir en automne 2022, puis le décale en 2023. En début d’année. Avec un autre titre. Peut-être «Vengeance végétale». Moi, fidèle au concept de Jacques Perry, j’enchaîne !

Énergie libératrice

Revient sur l’établi le projet des assassinats particuliers. Que je développe avec un bonus : le personnage principal se doit d’être un druide. Pourquoi ? Parce que ! L’instinct et l’envie ne s’intellectualisent pas. Pis j’ai envie. Voilà. Point. J’entame des recherches sur les mythologies celtiques, un terreau merveilleux. Au hasard de mes clics apparaît la fiche Wikipédia de Fingen, un druide, dont j’aime la sonorité du nom. Je tombe sur un trésor… Quelques farfouillages plus tard, je m’aperçois que mon potentiel futur héros n’est pas utilisé dans un contexte de polar. Feu vert dans mon imaginaire! « Fingen » s’est déroulé presque aussi vite que le Gore des Alpes. Chaque jour, malgré mes deux boulots, mes mandats, je me DEVAIS de lui dédier du temps. Cette énergie libératrice se sent dans le rythme de l’intrigue, sans cesse pied au plancher. À ma grande surprise, au mois de juillet, j’avais un premier jet plus qu’acceptable. Et les idées, comme une balle magique, avaient rebondi dans des directions auxquelles je ne m’attendais pas. Ça, c’est pour un prochain billet.

Joël Cerutti