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Sir Arthur Conan Doyle en 1892.

Conan Doyle, un des pères fondateurs du polar, a séjourné à Zermatt en 1893, la même année où il a tué Sherlock Holmes. Depuis, le plus célèbre des détectives donne lieu à des pèlerinages valaisans. Il a même droit à un canular signé par l’écrivain Maurice Métral le 29 juillet 1959.

 

Du polar, j’en consomme sans modération depuis plus d’une quarantaine d’années. Je me suis d’emblée attaqué aux grands classiques avec Sir Arthur Conan Doyle, papa de Sherlock Holmes. Ces derniers temps, je me suis (ré)intéressé, en tant que passionneur de Valais Surprenant, à l’immortel énergumène du 221b Baker Street. Pouvait-il y avoir des liens avec le Valais ?

Mes recherches ont dépassé mes espérances

Depuis la fin des années soixante du XXe siècle, des zozos en costumes victoriens réalisent des pèlerinages en Terres Saintes Helvétiques qui passent par le Valais. Il s’agit de membres éminents (comme ils le sont toujours) de la Sherlock Holmes Society of London. Ils se rendent en des lieux emblématiques liés à leur idole. À commencer (surtout) par les menaçantes chutes du Reichenbach (Meiringen) où Sherlock trouva prétendument la mort le 4 mai 1891 (la nouvelle qui contient cette tragédie« The Final  Problem» – sortit, elle, en décembre 1893).

Petite parenthèse : L’auteur Conan Doyle n’en pouvait plus d’être enfermé dans la prison de son héros pas très fétiche (pour lui). « J’ai eu de lui une telle overdose, se lamente Doyle, qu’il me fait penser à ce pâté de foie gras dont il m’est arrivé de trop manger. » Insulté par sa propre mère, poussé par des milliers de fans endeuillés, aidé par la somme de 45 000 dollars, Doyle redonne vie à Sherlock en 1903 ).

Zermatt, la pipe, le Cervin

Cet étalage de savoir n’élude pas la question sous-jacente à ce splendide article : pourquoi en 1968, 1987, 1988 et 2005 la Sherlock Holmes Society of London est-elle venue en Valais ?

Fonds 13 Etoiles – Médiathèque Valais, Martigny, mai 1968.

Ben tout simplement parce qu’elle marchait sur les traces réelles de Conan Doyle, ardent voyageur comme tous les Anglais d’alors. La légende voudrait même que ce soit lui, et nul autre, qui ait introduit l’art du ski en Suisse dans le Davos de 1894. Il y était pour retaper la petite santé de sa première épouse tuberculeuse. Et c’est lui qui aurait failli y laisser sa peau. C’est raconté là :

Les semelles de Conan foulèrent la terre de notre canton, l’année précédente, lors d’un séjour à Zermatt. D’où les visites, espacées, de la Sherlock Holmes Society of London. En 2005, les photos du détective tirant sur sa pipe face au Cervin ne manquent pas d’allure.

Le Nouvelliste – 20 juin 2005

Walliser Botte – 21 juin 2005

Comme on le lit dans Le Confédéré, il y eut quand même une halte typique et folklorique à Sion lors du voyage de 1968.

Le Confédéré – 18 avril 1968

 

Métral et sa singularité

Mystérieusement, la Sherlock Holmes Society of London délaisse Montana. Si l’on se fie à l’écrivain Maurice Métral (et Le Rhône, édition du 29 juillet 1959), Conan Doyle y aurait passé quinze jours. Une villégiature éclair qui lui aurait suffi à récupérer ces lieux dans une nouvelle (« Vieux Clocher »). L’écrivain serait même descendu en plaine et inspiré du Lac Géronde et Sierre – rebaptisée Lière ­ – qu’il aurait glissé dans « La peur du roseau ». Je te reproduis l’article en guise de pièce versée au dossier. Métral y met des extraits attribués à Conan Doyle.

Le Rhône – 29 juillet 1959

Maurice Métral étonne par ces affirmations. Un contrôle sur les titres des 56 nouvelles liées à Sherlock Holmes publiées entre 1887 et 1927 montre l’absence de « Vieux Clocher » ou « La peur du roseau ». Des recherches sur la détaillée Arthur Conan Doyle Encyclopedia (https://www.arthur-conan-doyle.com/index.php?title=Main_Page) restent vaines au sujet de ces œuvres et sur la venue de Doyle à Montana.

Celle à Zermatt, réelle et datée de 1893, est marquée par une plaque commémorative…

Je laisse avec amusement le bénéfice du doute créatif à Maurice Métral. Conan Doyle à Montana, la mariée aurait été trop belle. Là, elle semble en noir et enterrée avec ce canular. Le journal Le Rhône n’a en tout cas pas publié de rectificatif dans son édition suivante…

Sherlock et les spécialités locales

Le tourisme ne plaisante pas avec Holmes, môssieur ! À Meiringen, on sait exploiter l’aura du détective. Une « Voie Holmes » permet de monter au sommet des Chutes du Reichenbach en deux heures (10 minutes avec le funiculaire). L’Hôtel Sauvage, qui a reçu en vrai Conan Doyle (et en fiction Holmes) cultive les prix de cette aubaine. Un musée exploite la fascination Sherlock et organise des courses aux mystères destinées aux visiteurs déjà bien remplis de rösti et de meringues (spécialités régionales).

À Zermatt de jouer ! La raclette et sorbet aux abricots, ça se défend, non ?

Joël Cerutti

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