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… tu le fais pourquoi ? Rarissimes sont les plumes qui vivent de leurs mots. Dans le marché du livre, elles sont les derniers maillons de la chaîne. Et perçoivent un pourcentage dérisoire. Alors, quel est leur moteur, leur motivation ???

Sans chipoter du vocabulaire ou tortiller des périphrases : tu n’écris pas pour gagner de l’argent. Oh que non… En Suisse romande, on considère qu’écouler mille exemplaires relève de l’exploit. Mettons que ce soit le cas.

Bonheur, ton premier tirage a trouvé son millier de fans. Avec un prix moyen à 25 frs, tu pourrais croire que l’auteur touche donc 25 000 francs.

Douce illusion.

Sur cette manne, éditeur, distributeur et libraires prélèvent leurs justes dus qui atteignent le 90 %. Le créateur, ultime maillon de cette chaîne financière, percevra, lui, ses 10 %.

Dans l’idéal.

Chez certains éditeurs, le contrat commence à 8 % et monte à 10 % à partir de tant d’exemplaires écoulés. D’autres, que je ne nommerai pas, estiment qu’ils rétribuent l’auteur avec un nombre X de ses bouquins imprimés qu’ils lui donnent gratuitement et généreusement…

Et même.

Si l’on reste sur les 10 % de 25 000 francs, soit 2 500, cette somme couvre des mois de travail, si ce n’est des années.

Bref des clopinettes de que dalle.

L’immense majorité des écrivains exercent d’autres jobs et aménagent du temps dans leur agenda dédié à leur passion. Ils peuvent parfois bénéficier, s’ils remplissent conditions et questionnaires administratifs souvent interminables et rebutants, de bourses ou d’aides à la création. Ces sommes tournent autour des 5 000 francs.

Après, si tu deviens une signature qui attire des centaines de milliers de fidèles sur le marché francophone, la donne change. L’éditeur accorde une avance sur recettes, qui permet à l’écrivain de se dédier uniquement à son métier.

Cela peut t’arriver, il ne faut s’interdire aucun rêve.

Dans la réalité présente, la marmite ne peut bouillir grâce à ta plume.

Alors quelle est ta motivation, mon gars, si ce n’est pas le pognon ?

Sur le site de « Valais Surprenant », je me présente comme un passionneur.

J’adore plus que tout être le passeur entre une personne que je rencontre et le lecteur. Essayer de restituer une énergie, une démarche, un message.

Il en va de même avec un livre, que ce soit un guide, une biographie ou une fiction.

Avec humour, je tente d’apporter du divertissement aux gens qui m’offrent de leur temps. Ma terreur est qu’ils aient eu l’impression de le perdre. Après, il faut rester lucide. Des gags ravageurs (épicés par quelques cadavres) comme j’en ai glissés dans « Fingen » n’amuseront pas tout le monde. Certain.e.s prendront au premier degré des situations qui demandent une approche au second. Qu’importe.

De mon côté, j’ai eu une joie de sale gosse à ruer dans les brancards.

Cela n’a pas de prix. Cela dépasse les 10 %. Je me paie avec les 1 000 % ressentis durant le plaisir de la conception et ensuite celle des dédicaces. On en parle la prochaine fois…

Joël Cerutti