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Le Swiss Dojo a poussé voici une quinzaine d’années sur les terres de Saillon. Quelles sont les graines qui ont cultivé cette étonnante structure harmonieuse ? Tête à tête avec son âme (Guy Udriot) et son cœur (Stéphane Schers). Place aux beautés des gestes !

 

Lorsque tu franchis le seuil du Swiss Dojo, un phénomène bénéfique se produit dans ton esprit. Quelques secondes auparavant, tes pensées se fourvoyaient dans un labyrinthe complexe. Et là comme une vague d’épure simplifie ses cheminements. Ils adoptent une logique rectiligne, tu vises l’essentiel.

L’essentiel du Swiss Dojo se résumerait presque au panneau placé à son entrée : « Centre d’arts corporels et de culture ». Cette concision en six mots cernerait quasi ce pour quoi je rencontre Guy Udriot, fondateur du Swiss Dojo (« son âme ») et son directeur Stéphane Schers (« son cœur »).

« Quasi » parce que ma curiosité cherche à comprendre comment cette étonnante structure s’est retrouvée à quelques encablures des Bains de Saillon.

Dojo, phonétiquement, rime avec arts martiaux. Pas ici ! « Nous suivons la tradition ancestrale des guerriers de l’esprit, précise d’emblée Guy Udriot, nous ne sommes pas des combattants qui triomphent de la faiblesse des autres… » « Regardez ! Nous n’exposons pas des trophées au Swiss Dojo mais des services à thé et des livres », enchaîne Stéphane Schers.

En deux phrases, si j’avais des idées reçues, j’apprends derechef à m’en séparer.

Je m’immisce progressivement dans un monde où le geste, répété des milliers de fois, assemble le sport et l’art. Où la gloriole de l’individu se gomme dans la réalisation d’une œuvre collective, d’un compagnonnage de la belle ouvrage. L’ego, ici, ne formerait rien sauf du vide. Aucune photo de Guy Udriot (« Vous voulez me voler mon âme ? ») ou de Stéphane Schers dans ce reportage ? C’est voulu…

Dans un élan de passionneur captivé, je les questionne sur la chronologie du Swiss Dojo.

Premiers mouvements du Swiss Dojo

« C’est un projet qui remonte à 1987, initialement dans le Chablais où Monthey avait le plus grand club de karaté de Suisse. Lancée en l’air, cette idée a fait son chemin, avec la réunion de fonds pour la construction. Nous ne nous sommes jamais précipités… et au final, cela n’est pas très intéressant… », glisse Guy Udriot, qui a adopté le karaté depuis 1965, voie qui conduit à l’humilité.

Bon. Oui. Certes. D’accord. Mais encore ?

Du Chablais, les méandres des réflexions et des décennies glissent vers le centre du Valais, mieux situé dans ses liens autoroutiers. Car le nom l’indique : « Swiss Dojo » signifie que le concept voulait réunir des clubs de karaté à une échelle nationale. Certaines discussions viennent aux oreilles de Guy Udriot sur l’initiative d’une zone sportive à Saillon. Rendez-vous est pris, au début des années 2000, avec Benjamin Roduit, à l’exécutif de ladite commune. La synchronicité veut que le jour de la rencontre le jury qui débat autour du projet sportif se trouve dans la pièce d’à côté ! Le Swiss Dojo y trouve sa place et un droit d’exploitation privé de superficie sur 99 ans. Lorsqu’il examine les plans avec les deux bâtiments, Benjamin Roduit s’étonne de son esthétique. « C’est pour qu’on les distingue d’un séchoir à tabac », rétorque Guy Udriot avec son côté pince-sans-rire.

Second mouvement en solo

Un passage moins humoristique survient lorsque la Fédération suisse de karaté se retire du Dojo. « Nous avons repris les dettes, fondé une société coopérative avec les cinq-six personnes les plus impliquées. Cela représentait beaucoup de travail le soir, le week-end. », détaillent en chœur Udriot et Schers.

Ce dernier, qui entame ses études d’architecte, élabore avec le Swiss Dojo sa première construction ! « J’ai eu la chance d’allier mes deux passions : celle de ma future profession et celle du karaté que je pratique depuis l’âge de 7 ans. » Le Swiss Dojo se monte grâce à l’étroite implication entre des entreprises valaisannes professionnelles et l’énergie de bénévoles. Il s’achève entre 2003 et 2004… et reste, pour le moment, unique au milieu de ses champs. « D’un côté, il y a l’avantage de se sentir seul au monde – à part deux vaches qui passent au loin – et d’avoir la nature à perte de vue. De l’autre, c’est une contrainte d’être parfois isolé et de ne pas être en lien avec d’autres acteurs de la région », observe Stéphane Schers.

Le sens du Swiss Dojo

Comme le Swiss Dojo ne se dévoue pas à 100 % au karaté, il s’ouvre à plein d’autres possibles. « Ce n’était pas prémédité. Cela a évolué vers des rencontres entre disciplines qui s’expriment par le corps. Cela a rassemblé une large palette et donné un sens au sein du Dojo. Toutes les techniques montrent la voie de la découverte de soi-même… », définissent tour à tour Stéphane et Guy.

Derrière les mots, les actes parlent aussi.

Parcours le site du Swiss Dojo et tu noteras que s’y marient Budo, Judo, Aïkido, Kyudo avec Reiki, Origami, Kirigami. La Voie des Contes se mêle au Tambour Chamanique, à l’Art du Geste comme au Thé. Et je t’en oublie des cargaisons !

Mouvements artistiques

L’an passé, le Swiss Dojo s’implique dans la Semaine du Goût avec la présence de Maître Yu Hui Tseng, une sommité dans l’univers du thé chinois. À Paris, elle y tient la plus grande cave à thé au monde : La Maison des Trois Thés avec mille sortes référencées… (non, je n’ai pas trouvé de synonyme au mot « thé » !) A ses côtés et aux fourneaux le cuisinier Franck Giovannini qui œuvre au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. Une organisation qui mobilisait d’autres pointures œnologiques – comme Dominique Fornage.

Le Swiss Dojo prolonge encore ses mouvements artistiques par des expositions, des concerts voire des éditions… Des ouvrages magnifiques – nés grâce à des souscriptions – dont la lecture s’approche comme un état d’esprit des lieux. « Plus je vais de l’avant, plus je trouve des points communs dans les diverses cultures. Je constate des analogies intéressantes, liées par les mêmes interrogations, les mêmes antagonismes, les mêmes universalités de conscience », conclut Guy Udriot. Celui-là même qui avait été traité de « fou et d’illuminé » lorsqu’il disait que l’on pouvait allier arts et sports…

Lorsque tu sors du Swiss Dojo, petit à petit, les incohérences d’un monde disharmonieux recommencent à t’agresser. C’est dire qu’il y aurait comme des goûts de reviens-y dans l’atmosphère. La vitalité naît de la cohésion, non ?

Joël Cerutti

Photos Nicolas Sedlatchek, Swiss Dojo et Valais Surprenant

https://swissdojo.ch/

Cet article t’indique une voie de vie où l’ouverture vers l’autre apprend à se connaître soi-même. Cette philosophie te suggère le partage…