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Durant 2019, beaucoup d’anniversaires sont passés à l’as. En Valais, tu aurais eu les 500 ans d’une excommunication, les 200 d’une catastrophe dantesque, les 100 d’une statue bien connue, les 60 d’une piquette, les 50 d’une expo unique, etc. Lis, je te promets qu’il y en a de bien corsées et (d)étonnantes, de ces commémorations !

 

Le terrain historique reste relativement vierge en terme d’intérêts. Les médias s’amusent tous à célébrer en voix chorales les mêmes bidules. Et toi, ton présent te prend assez de temps sans t’encombrer l’esprit avec des vieilleries poussiéreuses. Pis les bancs d’école se sont arrangés pour te rendre tout ça bien « emmerdanchiant ». Je me dois d’assumer au grand jour mon immunité face aux contemporaines nostalgies des calendriers. Voici mon dernier coming out de 2019, les anniversaires oubliés de l’année presque écoulée.

1519 – 500 ans d’excommunication pour Georges Supersaxo (plus un selfie avec 23 gosses)

Supersaxo Georges, hérétique selon l’Eglise.

1519, le Pape Léon X en boufferait sa mitre tellement qu’il fume de rage. A Sion, cet effronté opportuniste de Georges Supersaxo a monté une OPA active contre l’évêque. Il l’a purement viré et remplacé par son fiston François en guise de prévôt du chapitre. En ces époques agitées, cela s’appelle une « coupable détention des biens ecclésiastique ». Tout colère, Léon X émet une bulle « In Cœna Domini », l’excommunication totale contre l’hérétique Supersaxo et ses complices. Elle est exhibée à l’entrée du château de St-Maurice et au portail de l’abbaye. Autant te dire que Georges s’en gausse. La même année, il passe commande de la chapelle Sainte Anne (église de Glis) au talentueux Ulrich Ruffiner. Au revers de volets décoratifs, Georges y est représenté avec sa femme Marguerite, ses vingt-trois gosses qui prient à genou et l’église de Valère en arrière-plan. C’est du selfie pied de nez à Léon où je ne m’y connais pas !

1619 – Avec 400 ans d’avance, la Diète prône la décroissance

La Diète de par chez nous choisit octobre – une période bien hors carême – et te sort un arrêté somptuaire. Ce règlement interdit au peuple valaisan des excès caloriques et avinés lors de repas qui marquent des justes noces, de mauvaises morts ou de (trop) joyeuses naissances. Le texte impose encore la sobriété vestimentaire : pas d’abus de luxe dans les vêtements. Purée si je t’anticipe sur la décroissance avec de telles décisions.

1719 et 1819 – Les catastrophes qu’on marque par l’amnésie !

Randa, son clocher, sa flèche remise.

Le 4 janvier 1719, pour cause d’avalanche, Loèche-les-Bains disparaît en grande partie de la carte (avec 55 morts en guise d’ardoise funèbre). Le 27 décembre 1819, on estime à 12 millions de m3 la masse qui se détache du Weisshorn et s’abat dans la vallée de la Viège. Elle n’atteint pas le village de Randa qui n’en est pas épargné pour autant. Le souffle déracine 118 maisons et rase tous les arbres des environs (et même l’inverse). La flèche du clocher tombe à terre, c’est dire. A Randa, on pourrait jouer les blasés car en 1637, 1720 et 1737, on a connu pareilles mésaventures avec avalanches voire éboulements de glacier. Saloperie de pré réchauffement climatique !

1919 – « La Valaisanne » du centenaire décalé

C’est une masse en granit rouge de Baveno. C’est elle qui devait marquer, en 1915, l’entrée du Valais dans la Confédération (mais ce n’était pas le moment, ça bardait dans les tranchées en dehors du canton). C’est elle qui avait été façonnée par James Vibert et Jean Casanova. C’est elle qui ne devait pas coûter trop cher par manque de finances (toujours à cause des tranchées qui creusaient aussi des trous dans l’économie locale). C’est ? C’est ? C’est « La Valaisanne », cette sculpture inaugurée le 8 juin 1919 sur la Planta et qui s’est appelée la Catherine avec le temps. Ce jour-là, l’aviateur Bider, mandaté par la Confédération, l’a survolée et a jeté une couronne dans sa direction. Tu parles d’un geste galant

1929 – Le barrage de la Dixence boudé

Photo tirée de l’excellentissime site notrehistoire.ch.

Sous prétexte qu’il a été noyé par un autre plus colossal (la Grande Dixence), on a zappé le départ des travaux du barrage de la Dixence en 1929. Quelques 2000 ouvriers se sont mis au turbin pour que les turbines de la « plus haute chute d’eau du monde » tournent. En 1935 et terminé, l’ouvrage retenait 50 millions de m3 de flotte dans le Val des Dix. Il paraît que l’on distingue, en amont, cet ancien barrage quand le niveau d’eau s’abaisse. On devrait peut-être le voir plus souvent dans les prochaines décennies. Saloperie de réchauffement climatique !

1939 – Le Grand Conseil s’installe définitivement au Casino

Le 22 mai 1939, cela sent le bois neuf au Grand Conseil, à Sion. Les députés et les Conseillers d’Etat prennent possession définitivement de lieux destinés aux joutes verbales et délibérations stratégiques. Auparavant, le bâtiment dit du Casino se destinait dès 1863 aux bals, aux concerts, aux ventes en gros (à toi de voir la différence avec une session du Grand Conseil). Le 14 novembre, les lieux ferment jusqu’en 1945 pour des questions liées à un peintre raté, autrichien et petitement moustachu.

1949 – Le lac souterrain de St-Léonard s’ouvre aux barques

Le plus grand lac souterrain d’Europe a été découvert en 1943, certes. Il ne s’ouvre pourtant au public qu’en juillet 1949, date où les barques te baladent en sa surface.

1959 – Baptême d’une piquette qui prête à confusion

Au Château de Villa (Sierre), le 22 septembre, on baptise en grandes pompes un assemblage de pinot et de gamay (léger). Il porte l’appellation de Goron, nom porté jadis par un cépage que l’on croyait disparu. Cette piquette – qui te torture légalement ton foie – possède un avantage : elle est subventionnée par le canton et la Confédération car les Suisses lèvent le coude sans modération. Y’a demande, quoi…

1969 – Sierre fête le Rhône et noie une bonne idée

Le 19 juin, ripaille, défilé, Goron et débauches (c’est une interprétation) marquent la 27e Fête et Congrès du Rhône. Durant quatre jours, 50 000 visiteurs célèbrent le fleuve dans un esprit communautaire qui relie le Haut-Valais à Marseille. Joséphine Baker chante devant 3000 spectateurs. L’école de Borzuat, à tous ses étages, expose « 53 peintres rhodaniens d’aujourd’hui », un événement artistique qui mélange les styles, les genres. Il y aurait même eu la possibilité pour Sierre de réitérer cet événement, rare opportunité que la Cité du Soleil a laissé fondre. J’en sais quêque chose, c’est mon père Gustave qui avait organisé la chose avant que d’autres ne tirent la couverture de leur côté (et ne le paient pas !).

https://www.rts.ch/archives/tv/culture/en-marge/3466434-peintres-rhodaniens.html

1979 – Le plus grand téléscope de l’Europe d’alors

Le 18 septembre, au Gornergrat se déploie le plus grand téléscope (1,5 mètre de diamètre) de l’Europe d’alors. Depuis, ils ont rajouté des pièces à ce Lego stellaire, t’as qu’à aller « googeliser » la chose et tu comprendras.

1989 – De Martigny au Rhône niveau fréquence

Aux temps d’internet où la frontière d’émission des émissions a disparu dans les limbes de la poussée technologique (il serait temps de finir cette phrase), la nouvelle t’amusera. Car, oui, le 8 novembre 1989, le Conseil fédéral accorde une concession élargie à Radio Martigny. Le média reçoit la permission d’être captée entre St-Maurice et Loèche. Il prend au passage le nom de Radio Rhône. Tu mesures l’ancienneté d’un gars quand il te parle de Radio-Rhône au lieu de Rhône FM ou Antenne 2 à la place de France 2.

1999 – Les portes du pénitencier s’ouvrent sur l’art

Les instances dirigeantes de nos musées cantonaux ont zappé l’événement. Cela faisait juste 20 ans, le 2 juillet, que le Pénitencier et ses portes ne se refermaient plus sur des taulards et s’ouvraient aux expositions. Et je m’arrête au XXe siècle car, pour le moment, le XXIe est juste trop pas sec derrière les oreilles pour que je te joue le pipeau de la nostalgie.

Joël Cerutti

Source : « Le Valais, chroniques illustrée de la préhistoire au XXIe siècle » de René Arbellay, 2005.

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