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En Valais, la châtaigne, c’est le marronnier incontournable de l’automne. Connais-tu ses origines, ses vertus curatives (voire aphrodisiaques !) de ce fruit ? Es-tu du signe de la châtaigne selon le calendrier celtique ? À quand remonte la brisolée ? Quelques révélations (d) étonnantes.

 

 1 – D’où qu’elle vient ?

Pas de chez nous, c’est certain ! Il s’agit d’un arbre migrant débarqué d’Iran, d’Arménie ou de Turquie (si tu égrènes plusieurs sources) aux alentours du Ve siècle avant notre ère (celle de J.-C., pas Jacques Chirac). La première mention et description d’une châtaigne se lit dans « Histoire des plantes » publiée au IVe avant J.-C. (pas Jacques Chessex, hein ?) par Théophraste. Il l’appelle « noix castanéique » ce qui sonne plus scientifique que « châtaigne ». Tu peux aussi y aller avec un « Castanea sativa » pour te la péter encore plus. Les Romains répandent le châtaigner (dit « arbre à pains ») dans les pays où il a envie de pousser, soit l’Europe méridionale. Il traverse comme il le peut les hivers rigoureux, il croît jusqu’à 800 mètres (voire 1 200 en Corse, va savoir pourquoi). Il nécessite un sol bien drainé pour y dérouler ses longues racines. Il abomine le calcaire et se repaît du granitique et du sablonneux. Certains ouvrages le qualifient d’arbre à croissance rapide. À cinquante ans, comme le mâle mature ou la femme sublime (juste pour faire chier Yann Moix et parce que je le pense), le châtaignier atteint sa taille maximum. Esseulé et libre, il livre des fruits dès sa 25e année. En forêt et toujours libre, il attend 40 ou 60 ans. S’il est greffé, cultivé pour, les premiers fruits se pointent dès la cinquième année. À 60 ans, il est au taquet de sa production. Tu crèves d’envie d’avoir un record ? Le grand et plus vieux châtaignier du monde est celui des Cent Chevaux. Il a poussé sur le versant oriental de l’Etna, atteignant les 2 000 ou 4 000 ans d’âge avec une circonférence de 57,9 mètres attestée en 1780. L’UNESCO l’a désigné comme « monument porteur d’une culture de paix ».

 2 – Quand on est-ce qu’on la mange ?

Pour toi, pas trop de ceci-cela, une châtaigne, c’est une châtaigne et ça reste une châtaigne dans l’assiette. Le spécialiste t’explique qu’il s’agit d’un fruit sec indéhiscent (akène), protégé par une cupule piquante (le bogue). L’enveloppe brune et brillante s’appelle le péricarpe, la seconde peau répond au nom de « tan » ou « petite peau ». Enfin, la « partie nourricière » s’avère une « amande ». Dans chaque bogue se pressent deux ou trois amandes. Il tombe au pied de l’arbre entre septembre et novembre.

Voici 19 ans, La Fête de la Châtaigne à Fully entrait dans le Guiness Book avec une brisolée qui chauffait 2 000 kilos « d’un seul coup ». En tout, 15 tonnes sont grillées sur deux jours.

Il en faut donc de la matière première ! En Europe, les plus gros fournisseurs de châtaignes habitent (ordre décroissant) en Italie, en Espagne, au Portugal et en France. Le Japon se pavane avec la médaille d’or de premier producteur mondial.

3 – Douces vertus (aphrodisiaques) de la châtaigne

À Fully, tu en mastiques de la châtaigne lors de la Fête homonyme ! Sache que sa valeur calorique dépasse celle de la pomme de terre. Les chimistes lui ont trouvé de belles qualités nutritives : calcium, chlore, cuivre, fer, iode, magnésium, phosphore, potassium, sodium, soufre, zinc, vitamine B1 – B2 – B3 ou PP, C et E – Provitamine A (je pense n’avoir quasi rien oublié). Une qualité : pas de gluten. Un défaut : interdit aux diabétiques. La châtaigne en tant que telle explose d’énergie et de tonicité. Elle combat les varices, les hémorroïdes.

Il y a mieux. Les sages de l’Antiquité l’appelaient « Gland de Zeus ». Avec un nom pareil, la châtaigne s’est parée de vertus aphrodisiaques. Les racines symbolisent la force virile car elles soulèvent le sol. En Cévennes, une demande en mariage passait par un envoi de châtaignes du prétendant à sa belle. Si celle-ci cuisait les fruits, c’était dans la poche. Si elle laissait moisir le panier, c’était foutu. Pour se venger, l’éconduit lui expédiait alors les pelures de la châtaigne, celles qu’on donnait aux cochons. Tu saisis le message ?

4 – Autres vertus du châtaignier

Les feuilles pétiolées (cela faisait un moment que je n’avais pas fait mon intéressant avec un mot compliqué) comme les chatons ou l’écorce du châtaignier ? Cela soigne : la toux, la bronchite, la coqueluche, le scorbut, les affections respiratoires, le mal de dos, les rhumatismes, la diarrhée, protège les cheveux. Bref, c’est astringent, reminéralisant, sédatif, stomachique, tonique. Avec tout ça, si tu ne finis pas une grille de mots croisés, c’est à se tirer une balle.

5 – Cela sert aussi à des tonneaux (et pas que…)

Une densité de 0,60 rend le bois de châtaignier tenace et durable. On l’a utilisé pour des trucs massifs genre charpentes, des lames de parquet, des tonneaux. Dans la vigne, il fournit des échalas. Autre part, il aide à la confection d’échelles, de manches, de maillet voire de castagnettes. En vannerie, cela sera du robuste. Son riche tanin servait au tannage des peaux « sous forme d’extraits secs ou liquides ». Je te mets des phrases à l’imparfait parce que plein de machins chimiques l’ont remplacé. Sinon, le châtaignier vaut que dalle en bois de chauffage. Il explose, il flanque des étincelles, il ne brûle pô bien.

6 – Déclinaisons solides et liquides

La Fête de la Châtaigne aligne une centaine de produits dérivés qui surprennent et détonnent tes papilles. Je te laisse être bouche bée en cliquant sur ce lien : http://www.fetedelachataigne.ch/fr/La-Fete-de-la-Chataigne/Les-produits-a-la-Chataigne/

La Corse ne crée plus en solitaire de la bière 100 % châtaigne (La Pietra, née en 1996), Fully a pris le relais grâce à la brasserie White Frontier. Yeeeessss !!!! Durant 39-45, la châtaigne torréfiée générait un ersatz de café. Au XIXe siècle, en France, cela existait déjà sous le nom de « Café des dames ». Des fromages de chèvres s’emballent avec des feuilles de châtaigniers. On appelait aussi « arbre à viande » car les tourteaux créés gavaient les élevages porcins. Dans le tronc, il arrivait que l’on y creusât des ruches.

7 – Faut-il embrasser un châtaignier ?

Les natifs entre le 15 et le 24 mai, puis entre le 12 et le 21 novembre, héritent du châtaignier comme arbre tutélaire. Cela provient du calendrier celtique. Tu vas le fréquenter, l’aimer, l’embrasser, c’est à la mode. Il développera en toi les vertus qu’on lui attribue. Tu seras calme, ouvert, honnête et franc. Il te permet de rester enraciné dans un monde qui n’a plus de sens.

 8 – Et la brisolée dans tout ça ?

Dans ma grande naïveté historique, je pensais que la Brisolée remontait à la nuit des temps valaisans, que la tradition y était multiséculaire. Je me gourais. Ma bible absolue en la matière – « Histoire de la vigne et du vin en Valais, des origines à nos jours » – m’anéantit ce fantasme. En patois « Brisolée », cela se traduit par « Jetée au feu » et on parle, de ? De ? De la châtaigne ! Cela ne signifie absolument pas que la tradition se transmet de génération en génération. Elle date des années soixante du XXe dans la région de Martigny-Fully. Il s’agit de repas qui marquent le passage de témoin entre la belle saison (« et ses produits frais ») avec l’hiver et ses futurs frimas. La sauce a finalement pris dans le canton entier et les brisolées se consomment dans tous les districts intéressés. Il y a des pommes sur la table des brisolées qui se respectent. Dans mes recherches (oui, j’ai potassé la chose !), j’ai déniché une variété « pomme châtaigne », nommée ainsi à cause de son fruit rouge-brun et dont la cueillette se passe fin octobre.

9 – Se prendre une châtaigne (origine méridionale)

En langue méridionale, « castagne » désigne le fruit – la châtaigne – et le coup reçu. Un électricien « se prend une châtaigne » lorsqu’il se reçoit un court-jus. Sinon, à Fully, durant la Fête d’octobre, tu débranches la tension dans l’air, tu penses au Châtaignier des Cent Chevaux, tu es poli avec les Vaudois. « Peace, Love and Brisolée », moi je dis.

Joël Cerutti

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