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Photo Petar Mitrovic

« À un poil près » (Éditions du Roc, 2021) te replonge dans l’univers de Gratte-Cul Les Moineaux, un village peuplé d’abrutis notoires qu’Yvan Sjöstedt croque avec malice. Cette fois, tout tourne autour d’une fête qui part méchamment en sucette.

Un jour ou peut-être une nuit (mais surtout un matin au réveil), Carpette Milborne décide de nourrir un grand projet pour son village, Gratte-Cul Les Moineaux. (Bon, il nourrit D’ABORD son chat Summum afin que ses tympans s’apaisent car le félin sait réclamer un remplissage de gamelle avec véhémence.) Le 24 septembre, notre maire aimerait organiser une fête avec vente de produits locaux/bios de chez eux, diverses balades sportives, historiques ou en calèche.

Cela pourrait presque marcher si les alentours n’étaient pas tapissés par des bouses de vaches, si l’éleveur de poulets ne voulait pas les tuer devant les visiteurs, si un tracteur qui pue ne remplaçait pas la calèche (je t’en passe des pires, je ne déflore pas les rebondissements). Beaucoup de si, en somme, et surtout des gens plein de tant bonne volonté qui n’ont pas inventé le fil à couper le beurre, ni l’eau chaude et encore moins la poudre. A cela s’ajoutent les initiatives de Pettine, un coiffeur italien – extraverti comme il se doit – qui compliquent la donne voire terrorisent les âmes résidentes en ces lieux jadis trop paisibles.

Image bucolique d’un cynorhodon, dit gratte-cul, qui compose un cocktail baptisé Ramekin durant la fameuse fête. Photo Pixabay

Yvan Sjöstedt montre une immense empathie envers les bras cassés, voire les emplâtres congénitaux.

Cela se lit dans les écrits qu’il dédie au village Gratte-Cul Les Moineaux où la particularité des personnages alimente ses chroniques de rebondissements aussi glorieux que piteux. « Un poil de trop » (paru en 2020) et « A un poil près » (qui vient de sortir aux Éditions du Roc) s’ingénient à faire vivre un bled où l’essentielle grammaire des autochtones est de ne pas mélanger leur syntaxe avec l’Extérieur peuplé « d’exaltés » et de « tout nus ». Avec délectation gourmande, Yvan Sjöstedt met en scène une progressive montée vers la Gabegie où les déconvenues succèdent aux gâchis absolus. « À un poil près » se prend comme un pied de nez jouissif envers une époque formatée aux process, conditionnée à la réussite par les vertus du marketing calculateur. Il met en valeur l’imperfection humaine face aux froids diktats des décideurs qui s’imaginent compétents. Yvan Sjöstedt te ramène à ta condition de simple bipède. Il te rappelle que l’existence n’est qu’un gigantesque Clochemerle qui se serait jumelé avec Gratte-Cul Les Moineaux. Ce qui réjouit les zygomatiques !

Joël Cerutti

PS : Yvan Sjöstedt, avec son frère Nicolas, a signé voici deux ans cet indispensable album de BD:

Farinet revient en BD… mais pas que!

PPS : Oui, ce sont des amis. Nicolas a édité mon premier roman « Mais des choses pareilles! ». Et alors ?