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Photo Pierre Zufferey

Christine Zufferey, Mary Zoo de son nom de scène et de CD, puise son inspiration aux cœurs de lieux hors normes. Dans les entrailles des catacombes ou sur les surfaces labyrinthiques des marais, elle construit une trilogie qui se terminera, en 2021, dans son Valais natal. Rencontre et impressions.

 

Je l’ai croisée peu de fois. Pourtant des évidences s’imposent à mon intuition. Mary Zoo fuit autant que faire se peut la faune humaine, les barreaux qui enferment dans les habitudes, les barrières qui balisent les chemins. Sa voix, Mary Zoo la trace sur deux CD-livres, des « Tales » qui attisent son imagination. Christine Zufferey compose dans les entrailles de la ville ou les labyrinthes des marais ! Des lieux à mille lieues des éléments troubles et brouillons que dessine notre civilisation.

Oh !

Je pose avec gourmandise, en juillet 2021, sur mon clavier ces divers éléments : une Sierroise, Paris, des chansons écrites en des endroits incongrus. Je regrette que le site www.valaisurprenant.ch n’existe pas en mars 2017 lorsque je la tutoie pour la première fois, elle et son compagnon Gaspard autour d’une table de la Médiathèque à Sion. Du coup, par envie profonde de récupération inspirée, j’enrobe l’article initial paru voici trois ans sur PJ Investigations. Et hop!

Des personnes perdent définitivement l’inspiration quand elles sont six pieds sous terre (certaines même avant). Christine Zufferey la trouve, elle, à vingt mètres sous les pavés. Dans les catacombes de Paris. De ces profondeurs émerge un livre-CD, « Tales from the Underground », rempli de dessins (Bahadir Isler), de textes/photos (Gaspard Duval) et par dix-sept chansons. À chaque titre correspond un point précis des catacombes où il a été conçu. Christine, elle y a été au fond à fond: soixante descentes et parfois cinq heures de composition à la flamme d’une bougie.

Tu te dis qu’il existe des places plus drolatiques pour titiller la Muse. Surtout au milieu des crânes et des tibias… « Cela a été un plaisir, c’est comme avoir la campagne à la ville, mais sous nos pieds. Etre dans les catacombes, c’est être dans un autre temps, un autre lieu. Cela ouvre une porte sur une autre dimension parallèle. C’est paisible. Les catacombes sont les rares endroits avec une absence de son totale. Au début, quand on n’est pas habitué à ce silence, il y a comme un sifflement dans l’oreille », me répond Christine Zufferey.

À ses côtés, Gaspard Duval, spécialiste es catacombes, compagnon de Christine, enterre l’idée reçue de ma question. Les squelettes n’abondent pas dans ces sous-sols, à part dans la partie ouverte au public touristique. Les autres kilomètres ne grouillent guère de fémurs ancestraux. «Les prétendues catacombes sont en fait d’anciennes carrières sur lesquels s’est construite petit à petit Paris. La ville s’est bâtie sur son propre berceau. À la fin du XVIIIe siècle, parce qu’il y avait des éboulements, Louis XVI a demandé qu’on les répertorie puis qu’on les sécurise… »

Les hasards de Piaf

Le décor planté, je reste cloué par cette question obsédante qui revient en boucle: Christine Zufferey est-elle descendue aussi bas pour prendre de la hauteur avec ses compositions ? Elle qui chantait, quelques années auparavant, du Piaf !

Un peu plus tôt encore – aux alentours des années nonante – Christine Zufferey baigne et vocalise dans le rock alternatif ou le trash metal. Du Valais à Boston (USA), puis sur Paris, son bagage musical a pas mal bougé. «Et puis j’ai appris la composition de musique de film… Pour en revenir à Piaf, c’était un projet par hasard, presque un accident de parcours, qui est né aux États-Unis. Cela m’a permis de voyager, d’avoir des concerts sympas, de rencontrer Georges Moustaki puis Célina Ramsauer ». Christine se souvient d’une agape dantesque, à Saillon, après une soirée Option Musique. «Une fête pas possible, toutes les deux…»

La fascination pour les sous-sols de Paris avive déjà sa curiosité. « Cela m’intrigue depuis l’adolescence. À Paris, je suis tombé deux fois, le mardi, sur la porte fermée du Musée des Catacombes. J’ai été attirée par l’aspect non-officiel ». Eveline, une amie, écrit une jolie lettre de motivation à Gaspard Duval qui vient de publier un ouvrage érudit « Les Catacombes de Paris, promenade interdite » avec comme sous-titre : « Le côté obscur de la Ville Lumière ».

Avec force, notre homme refuse d’abord à servir de guide à Christine via Eveline. « Mais dans le courrier, il n’y avait aucune faute d’orthographe, c’était un bon signe. Je les ai averties des conditions et des dangers ». Finalement, Christine brave la vigilance des policiers et s’enfonce dans un puits vertical de 14 mètres. « Une initiation facile », souligne Gaspard. Affrontant son vertige, l’artiste valaisanne ne cesse d’y retourner depuis. « Les premiers mois où je descendais, je sentais un tel décalage. Maintenant, je m’y suis habituée ». Au point d’y donner des concerts devant une septantaine de personnes avec la présence des caméras de TF1 !

Sous le nom de Mary Zoo« Parce que Marie, c’est mon deuxième prénom et que les Américains prononçaient mon nom « Zou-fferey »… » – sort enfin ce « Tales from the Underground ». Des doubles pages, dessinées par Bahadir Isler (un des premiers lauréats, en 1985, du prix Jeune Talent de l’ex Festival de la BD à Sierre), enjolivent les textes. Chaque illustration se base sur des photos prises par Gaspard.

La réalité se marie avec la fiction maniant des paroles en français comme en anglais : « J’aime les deux langues ». L’ultime titre – « Danse macabre » de Saint-Saëns et paroles de Cazalis – apporte un épilogue sous forme de clin d’œil historico-artistique. « Il y a eu un concert interdit donné le 2 avril 1897 dans un ossuaire des Catacombes qui avait fait scandale », m’informe Gaspard. Après cette interview du joli printemps 2017, Mary Zoo vernit son CD, le 18 mars, au lac souterrain de Saint-Léonard.  Dès lors, je l’ai suivie  à distance, par articles ou vidéos interposés. J’apprécie qu’elle s’octroie le cadeau du temps. Elle publie un CD et l’accompagne longuement, l’enrobe de clips. L’œuvre a le rythme de la vraie existence.

Son second CD – « Tales from the Enchanted Maze » –  Christine me l’offre durant l’été 2019 et elle en assure la promotion médiatique… ce juillet 2020. À savoir maintenant… En 2019 toujours, elle occupe la scène de l’Olympia et elle met sur la toile un clip qui n’a rien d’anecdotique en 2020.

Un troisième « Tales » en gestation lui permet de renouer avec les montagnes valaisannes. Christine Zufferey avait eu besoin d’une latence temporelle et kilométrique pour revenir de l’ailleurs vers des racines rafraîchies. Récemment, dans l’émission Vertigo (La Première), elle indique juste avoir couché sur papier un titre dans un arbre creux, vieux de 1 500 ans, dans le Haut-Valais. Sinon, je suis tenu par la confidentialité, lui ayant suggéré quelques pistes de lieux insolites. D’ailleurs, j’ignore même lesquels Mary Christine Zoo Zufferey a élus et si elle s’y est rendue ! Cela sera ma surprise en 2021. Pis, si ça se trouve, comme j’ai une maman qui porte aussi le nom de Zufferey, on pourrait même s’offrir des liens de parenté. Alors côté objectivité, tu repasseras !

Joël Cerutti

Tous les renseignements sur www.maryzoo.com

Le livre de Gaspard Duval est en théorie épuisé, mais il se déniche sur internet. Avis aux apprentis cataphiles !

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