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Le guitariste du groupe Les Pornographes a d’abord été initié à l’art culinaire chez Roland Pierroz. Une école à la dure qui lui apprend la discipline de la musique, des cordes, du jazz manouche.

 

Dans le restau déconfiné du 1er août (Muraz, Sierre), Greg Pittet reluque avec fascination un chien qui s’essaie à gober des mouches. Tentatives du quadrupède et rire de l’humain, un rire qui n’a rien de la baleine, un rire en courte rafale, comme un bref riffle de guitare.

Rien ne réjouit autant Greg que la bestiole. Sous n’importe quel aspect. Durant nos conversations, Greg m’avoue une passion quasi hypnotique pour la chaîne de télé « Animaux ». « C’est la meilleure de toutes. Plutôt que la cuisine ou la musique, j’aurais pu étudier la biologie animale. »

Fugace photo utilisée par Greg Pittet pour son profil FB en novembre 2019…

Toi et moi, nous n’allons pas peigner la girafe trop longtemps autour de son cas. Le papillon ne prendra même pas sa minute, j’ouvre les deux points affirmatifs : Greg Pittet est une bête de talents. Il a sué et transpiré tel le bœuf pour y arriver. Devant les fourneaux comme les partitions, il a trimé, sans que jamais son obstination ne batte de l’aile (ici, tu peux choisir l’oiseau de ton choix). Il serait par ailleurs temps que Greg Pittet prenne son envol verbal dans cet article. « J’ai commencé mon apprentissage chez Roland Pierroz, au Rosalp de Verbier. Je ne travaillais que des produits frais. Lorsque j’ai passé mes examens finaux, vers 1998, j’ai été le deuxième en Valais pour la pratique. L’apprenti qui n’avait cuisiné que de steak et des conserves durant sa formation, c’était un peu plus dur ! » Greg observe aussi le Roland, tel l’entomologiste fasciné devant un insecte rare. « C’est clair que cela a été dur physiquement et moralement. Chez Roland Pierroz, je passais des cours que je suivais aux Roches directement au restaurant du Rosalp. Tu avais un jour de congé par semaine. Ah oui, c’est certain, j’ai appris à bosser ! »

Sans demi-mesures

 À la louche, et sans s’amuser avec la chronologie tel le labrador sur une piste de bowling, c’est vers cette période que Greg empoigne une guitare. Jusque-là nada et que dalle puis soudainement plus que ça. « J’avais 20 ans et cela m’a retourné le cerveau ! » Tu l’auras peut-être lu entre les lignes, quand Greg s’adonne il se donne sans demi-mesure. Il possède l’obstination du sanglier qui retourne un champ de patates ! « La première guitare que j’ai eue devait venir du magasin de musique d’Alain Kummer, à Sierre. Je passais des après-midi entières chez lui. » Pas question de se limiter aux accords de « Jeux interdits » au coin du feu. Greg fréquente l’EJMA avec certificat à la clé. « Je n’allais pas dormir tant que je n’avais pas mémorisé une gamme ! »

Les arpèges ne nourrissent pas son homme, Greg descend de Verbier pour Didier de Courten à Sierre. Ce qui monte, par contre, d’un cran les exigences. « J’ai un monstre respect pour ce Michael Jackson de la cuisine. Il arrive avant tout le monde, il part après tout le monde. Il bosse 16 heures par jour et trouve encore le temps de faire de la course… C’est quelqu’un d’hyperstructuré dans sa discipline ! »

Comme dirait le boa constrictor : « Rigide ? Moi, jamais ! » et Greg saupoudre sa vie de souples plaisirs artistiques. Ainsi arrivent, accords sur accords, les passions du jazz manouche et du Gorille de Sète, soit Georges Brassens. « Lorsque j’ai entendu le groupe Les Doigts de l’Homme, j’ai halluciné, c’étaient des monstres ! » Un quintet de virtuoses de la guitare, cela revigore les lobes et les oreilles et les envies (et la queue, mais cela concerne l’alouette, la gentille alouette). Un zeste des Doigts de l’Homme avec le morceau qui a scotché Greg et enclenché sa vocation jazzistique !

 

Et Brassens ? « C’est musicalement complexe, hyperbien foutu et jamais vulgaire ! » Cela lui déroule – au passage et avec Les Pornographes – un rouge tapi musical sans bémol pour se produire avec Sébastien Giniaux, guitariste manouche comme pas possible. « Lorsqu’il joue, j’hallucine, c’est parfait dès le premier jet ! » Preuve par les manches avec des artistes qui n’en sont pas (des manches) :

 

Cette contagion de Brassens, je te glisse une insinuation, reposerait peut-être un peu beaucoup sur une colocation de 8 ans avec un très drôle de zèbre, certain Rafael Alexander Gunti, autre membre fondateur des Pornographes. Les concerts commencent, Greg lève aussi le pied dans les cadences du piano (celui des cuisines). Il apprécie des horaires plus humains au resto de la Migros à Sion, chez Aligro (où il « relationne » surtout avec la clientèle au niveau des commandes). « J’ai découvert que c’était bien, la vie ! »

Plus proche dans le calendrier, (10 ans) Greg prend la responsabilité des fourneaux de La Pension à Vercorin, un chalet « qui permet d’accueillir une quinzaine de personnes en situation de handicap et leurs accompagnateurs » (merci le résumé du site internet !).

Copyright lindaphoto.ch

« Là-haut, je m’organise comme je veux – avec un 60 % – du moment que cela tourne. Il y a la petite Cindy, trop toute contente de travailler avec moi et un aide qui vient d’Éthiopie. J’y suis bien et je peux assurer mes concerts… » Au cœur des Pornographes, aux côtés de Nicolas Fardel pour du jazz manouche et aussi pour bourlinguer à travers ce vaste globe. Greg ne dissimule pas sous le sable d’une fausse frugalité une passion pantagruélique pour les coquillages et crustacés. « J’adore le vin rouge, chercher des morilles et surtout m’envoyer des plats entiers d’huîtres. J’en descends des cargaisons, l’air marin me va bien. Un jour, j’habiterai au bord de mer. Quand je descends avec Gunti dans le Sud, nous disons que nous allons nous « ioder » la gueule ! » Grâce aux Pornographes, Greg a connu les lieux mythiques et symboliques de Sète. « Trop beau, trop bien ! » Hilare telle la mouette rieuse, il a donné des cordes au Georges Hostel Café, au bistrot La Mauvaise Réputation, sans que cela ne lui donne trop des grenouilles dans l’estomac. « J’ai toujours le trac durant les deux premiers morceaux. Mais c’est nécessaire, sinon tu arrêtes la musique ! »

La montre et le temps

Avec Les Pornographes, Alexander Rafael (à sa gauche), Alice (à sa droite) et quelques instruments.

Dans l’exotisme outrancier, Greg n’a pas suivi de lapin blanc en retard mais Alice (Richtarch), chanteuse des Pornographes, au Népal. Une saga que je t’ai narrée dans l’article dédié à la dame. « C’est mystique et tellement drôle, le Népal. J’y ai été plusieurs fois, dont une pour enregistrer en novembre 2016, le CD du groupe Capsul avec des musiciens népalais. » Une fois les treize titres en boîte se pose la question de leur transmission en Suisse. Par voie numérique ? « Internet, c’est un gag là-bas. Alors nous avons expédié sous plis séparés et gérés par des sociétés différentes, deux clés USB. On se disait qu’au moins une des deux enveloppes devait arriver… et aucune des deux ne s’est égarée… » Au prix des timbres, elles pouvaient. Au Népal, Greg débraie par la force des choses. « Tu donnes rendez-vous à un pote, disons vers 10 heures du matin, il se pointe à 16 heures et il ne comprend pas où est le problème. Nous, on a la montre, eux, ils ont le temps… »

Greg aggrave son cas de vadrouille compulsive avec une photo de plongée qu’il te fournit sur ton Messenger. Il plonge et pose en Indonésie, aux côtés d’un Mola mola, un titanesque poisson-lune.

A gauche du grand poisson, les petits humains ne sont pas Greg. Il a vécu une scène identique sans pouvoir l’immortaliser.

« Sous l’eau, autour de moi, les gens sont tout le contraire de ce que je suis, un peu compulsif. Là-bas, j’étais tellement tranquille que j’ai presque eu un accident de décompression ! »

En parlant de coup de frein, le Covid a zappé les prestations des mois passés, présents et un peu trop dans l’avenir. « Finis, les concerts ! Il y a cette initiative « Dans l’jardin », j’en fais cinq ou six, il y aura peut-être la musique sur les terrasses… » Actuellement, les perspectives seraient plutôt d’un noir de jais. Ou de mouche. Le chien du 1er août a enfin réussi à en pécho une dans sa gueule. Gloups et hilarité spontanée de Greg. Toujours ça de pris face à la morosité !

Joël Cerutti

PS: https://www.animauxtv.fr/default.aspx

Sans oublier: https://www.facebook.com/Les-Pornographes-2003995216543756/

 

Tu ne peux qu’aimer:

Alice Richtarch : « Ce qui compte, c’est l’amour des textes de Brassens ! »

Rafael Alexander Gunti : musicien (beaucoup) et misanthrope humaniste (un peu aussi)