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Charlotte Renaud Boutilly. Avec son mari Jean-Marc, elle dirige l’établissement depuis trois ans.

Le magazine Geo Saison a séjourné au Chandolin Boutique Hotel sans prévenir ses gérants, Charlotte Renaud et Jean-Marc Boutilly. À la clé une distinction appréciée en toute modestie sans alerter les médias. J’ai voulu tester sur place de quoi il en retournait.

Intrigué ai-je été. Ouaip et carrément. Le Chandolin Boutique Hotel a été élu « Meilleur Hôtel de Montagne en Europe 2019 » par le journal Geo Saison, version allemande. Les enquêteurs ont parcouru les contrées avec une mission à la clé : désigner les cent plus beaux meilleurs agréables et géniaux hôtels du Vieux Continent. Ils ont ensuite décerné leurs notes en dix catégories. Dans le wellness, le design, le luxe, la cuisine, le milieu urbain, le bord de la mer et la montagne, à chaque fois, se pointe un numéro un. Dont notre quatre-étoiles anniviard, pour le côté alpin.

Sur le site du Chandolin Boutique Hotel, tu ne peux pas louper la distinction « Meilleur Hôtel de Montagne en Europe 2019 ». Elle apparaît en évidence à gauche de la vidéo démo… Du pain béni par le Pape – au bas mot – pour un site comme le mien qui vénère le surprenant, le (d) étonnant, l’unique en terres valaisannes. D’autant que, depuis février 2019 où ce classement a été publié, aucun média du cru n’a relevé cet insigne honneur. Tu peux « googéliser » et vérifier. D’où mon adjectif de départ : « intrigué ». D’où mon envie de me rendre sur les lieux de ces plaisirs annoncés. D’où cet article, quasi un pèlerinage vers mes racines.

Intermède biographico-historique (que tu peux sauter)

Je précise. Cerutti, cela ne sonne pas très anniviard. Pourtant mes ancêtres paternels du XIXe siècle y ont reçu la nationalité suisse et la bourgeoisie de Chandolin. Mon arrière-arrière grand-père Joseph Cerutti, exilé de Macugnaga (Piémont), s’est uni avec une Sabine Zufferey, de Chandolin. Du côté maternel, je porte encore le nom de Zufferey grâce à mon grand-père Isidore, né le 24 août 1901 à… Chandolin.

Acte de famille établi à Vissoie en août 1998.

Plus anniviard que ça, tu meurs, tu renais… et tu montes à Chandolin !

À l’école, les profs nous bassinaient avec « la plus haute commune habitée à l’année d’Europe » (2 000 mètres). Ensuite, entendons-nous sur « habitée ». Au max et un peu au pif, Chandolin aurait une soixantaine d’indéboulonnables citoyens, en comptant Fang d’en haut, du milieu et d’en bas, hameau qui se situe en amorce de la vallée et se trouvait englobé jadis dans la commune. Depuis que le Val d’Anniviers ne forme qu’une seule entité, les calculs se révèlent plus globaux.

Chandolin, 1974, avec ma mère, Vérène Cerutti, née… Zufferey.

En 1973 puis 1974, j’avais dormi au centre du vieux village de Chandolin, dans le chalet de Madame Rey, une amie chippiarde de ma grand-mère Albertine. Lors du second séjour, effectué avec mes parents et leur amie Mirza, en août 1974, il pleuvait beaucoup.

De quoi s’apercevoir qu’à Chandolin, il n’y a à voir que Chandolin !

Dans son dossier de presse, le Chandolin Boutique Hotel use d’une magnifique circonlocution. Le coin reste « un secret d’initiés » malgré la route qui le relie depuis 1960 à St-Luc. Tu grimpatouilles outre en ça en haut ici ? Tu cherches une chose : le calme. Dans ce registre, nulle déception, satisfaction garantie. C’était sans doute ce qu’Ella Maillart (photographe, journaliste, exploratrice) appréciait depuis 1948 dans son propre chalet. De même pour Konrad Adenauer (chancelier), Ferdinand von Zeppelin (inventeur d’aéronefs), Edouard Ravel (peintre), et la famille Bille (de l’autre peintre au photographe animalier). Ils aspiraient de l’oxygène zen sans contrainte.

Retour du Chandolin Boutique Hôtel

Alors je me suis dit que moi zaussi je pouvais aller y apaiser mon esprit, 45 ans après mon dernier séjour en ces altitudes. À l’époque, l’hôtel existait déjà… sous une apparence plus brute. « Il s’est construit au début des années soixante. Une fois ouvert, le propriétaire a demandé qu’il y ait de l’asphalte entre St-Luc et Chandolin. Cet hôtel a permis la construction de la route actuelle », s’en amuse aujourd’hui Charlotte Renaud Boutilly qui dirige les lieux avec son mari Jean-Marc. Dès lors, les décennies s’écoulent, l’établissement garde un cachet qui se fane et vire au vieillot. « La salle de bains était à l’étage », décrit Charlotte.

Vers 2010 – peu avant sa fermeture – le destin place Esteban Garcia, « investisseur et passionné d’architecture », sur sa terrasse pour une fondue.

Coup de foudre absolu !

Il rachète les lieux, mandate avec pertinence un bureau d’architecte local (Kittel SA à Vissoie) et entame une transformation radicale. L’ossature gagne deux étages, l’intérieur se mue en quatre-étoiles. La rénovation court sur trois ans. Son inauguration en février 2017 offre aux hôtes – prends ton souffle – 30 chambres, 3 suites, 5 appartements, 2 restaurants, 3 bars et 1 Spa. Les normes respectent Minergie, une philosophie environnementale diminue l’usage du papier comme elle tisse des collaborations avec les entreprises du cru. Du local en HD, une manne pour Chandolin – parfois le parent pauvre de la Commune d’Anniviers – qui bénéficie d’un turbo écolo inespéré.

Au début, Esteban Garcia avait des ambitions par ailleurs plus modestes. « Le premier projet était un lodge sans classification. Puis, il s’est pris au jeu. Il faut avoir un certain courage pour financer un quatre-étoiles avec un retour sur investissement qui ne se fera pas du jour au lendemain. Esteban Garcia aussi été beaucoup soutenu par les autorités de la vallée dans ses diverses démarches… », dit Charlotte.

Finie la plaine – les hôtels 3 Couronnes (Vevey) ou Mirador Kempinski (Mont-Pèlerin) – le couple Boutilly et leur fille posent leurs valises à Chandolin déjà durant l’été 2016.

« Amusez-vous ! Ayez du plaisir ! »

Le restaurant trouve ses marques – dans le chantier des rénovations – avant la partie hôtelière. Cela croche tout de suite car le chef Stéphane Coco (12 ans aux côtés de Joël Robuchon) s’offre un 14 points au Gault & Milliau. Puis un 15. « La bonne cuisine attire, le téléphone a sonné de plus en plus, encore plus dès les 15 points. Cela correspondait visiblement à un besoin dans la vallée », observe Charlotte. Puis l’hôtel devient actif, la mécanique adopte sa vitesse de croisière. Le monde appelle le monde, un peu au dam de propriétaires de chalets locaux qui auraient aimé que le village s’encroûte dans un état végétatif où rien ne change. « Nous essayons de faire marcher LE magasin du village. L’école de ski nous dit voir la différence depuis que nous sommes là… »

Chandolin Boutique Hôtel engage 18 collaborateurs en moyenne, une trentaine à plein régime. Soit quasi le 50 % de la population résidant à l’année ! « Au premier jour de la saison, dans notre introduction, nous les encourageons : « Amusez-vous ! Ayez du plaisir ! » L’état d’esprit s’adapte au lieu. Nous ne sommes pas en milieu urbain dans un cadre très business. Nos hôtes cherchent plutôt le repos, les vacances. C’est plus décontracté et nous aussi. Nous avons un esprit familial dans le bon sens du terme. Il n’empêche pas la rigueur professionnelle. Mais nous donnons la chance à quelqu’un sans être tout le temps dans son dos. » À preuve, ce jeune de Vissoie qui, ne se sentant à l’aise dans la carrosserie, s’essaie à l’hôtellerie. « Il est venu en stage d’observation de trois jours et il s’est tout de suite senti à l’aise, dans son élément. C’est un apprenti extraordinaire et qui travaille presque mieux que quelqu’un sorti d’une école hôtelière. »

Les employés – comme les clients – ne semblent pas bouder leur bonheur.

« Certains se sentent chez nous comme à la maison. À peine partis, ils ont envie de revenir. Nous avons des Sédunois qui séjournent chez nous trois ou quatre fois par an. Il y a une bonne énergie qui se dégage, c’est cosy, chaleureux, c’est pro tout en étant décontracté. »

Jugement anonyme

Le quatre-étoiles – dont les prestations frisent celles du cinq – se cherche encore un positionnement ou une complémentarité dans l’offre anniviarde. Et il me reste une énigme qui nourrit ma propre curiosité. « Comment nous sommes devenus « Meilleur Hôtel de Montagne en Europe 2019 » ? Je n’en sais rien ! », garantit Charlotte. « Je suis incapable de vous dire quand les journalistes sont venus, personne ne nous a prévenus, nous avons découvert ce classement à la publication… » Et que l’info en est restée cantonnée à Internet, les gérants plaident coupables ! « Nous ne sommes pas des aficionados de Facebook ou Instagram. Nous devons nous forcer un peu, ce n’est pas dans notre ADN… »

Subsiste la question qui te carbonise les lèvres et que tu tournes autour du pot pour me la poser. Oui, j’ai passé une nuit au Chandolin Boutique Hotel. Oui, je l’ai fait à mes propres frais. Oui, j’ai proposé seulement ENSUITE de rédiger cet article. Tu crois quoi ? Que je suis un parasite vénal ? Tu dis ça à un Chandolinard ? ! Tu sais que tu vis dangereusement, toi ?

Joël Cerutti

Photos fournies par l’établissement à part celle prise durant l’interview.

 

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