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Le roman graphique « VenZeance » (Éditions Gore des Alpes) transforme les Valaisannes que j’aime, que j’aime (et les Valaisans zaussi) en zombies peu confinés. Contaminés par une choucroute du FC Sion empoisonnée, ils ravagent le canton, laissant derrière eux tripes, boyaux et destructions. C’est dessiné par un François Maret qu’on a connu si sobre et si gentil.

 

Zen. Calme. Respire-expire lentement. Médite. Imagine un monde où l’on n’aurait pas mangé du pangolin. Les mots Covid 19, hydroalcoolique ou chloroquine seraient restés aux portes de ton vocabulaire quotidien. Projette-toi dans un paisible univers parallèle. Tu pourrais y oublier de te laver les mains en sortant des WC (berk !), tu aurais soutenu la cause de CC grâce à la choucroute du FC Sion…

STOOOOOPPPPPPPPP !

Ouvre les yeux illico ! Car cette réalité-là, version « VenZeance » de François Maret, n’est pas des plus jouasses non plus ! Le dessinateur imagine, pour le compte des Éditions Gore des Alpes, une choucroute contaminée du FC Sion qui métamorphose ses 8 500 convives en « Z », des zombies qui croquent les têtes, éventrent les victimes, sucent les boyaux. Leur cri de ralliement ? Un « Groo » guttural qui s’apparenterait à du Haut-Valaisan. Ce Road Tripes entre Martigny et Sion massacre ce qui a le malheur de bouger un petit doigt. Cela s’achève sous une forme de double Apocalypse. Lors d’un match du FC Sion, supporters et joueurs se boulottent parmi puis un bombardement rase tout ce qui dépasse. Même Valère et Tourbillon. Gargl !

Celui qui réalise sa « venzeance » en mémoire d’une certaine Christine.

La première victime fort étonnée.

Une autre victime politique assez connue.

Un « Groo » peut en cacher un autre.

Le pitch de l’histoire.

François, émérite et raffiné

Oui, Gargl ! François Maret, cet émérite professeur en Arts visuels voire Histoire de l’Art, je l’ai connu (et toi aussi) bien plus raffiné. Dans ses dessins livrés au Courrier comme à La Liberté, au Quotidien Jurassien ou à la numérique Torche 2.0, il pratiquait la justesse impertinente. Jusqu’alors, il affichait les doux traits de celui qui aide une grand-mère à traverser la route. Et voilà qu’aux portes de la soixantaine (presque comme moi), les gonds grincent et il pousse mémé sous la bagnole !

François Maret, digne, lors du lancement de La Torche 2.0 Valais, fin mars 2018, Sion.

François sans limites

Débridé, plein gaz, sans limitations, qu’il est, François Maret dans « VenZeance » ! Il n’aurait pas les remords de la honte qui montent un zeste ? « Non, renvoie-t-il depuis Ayent et via Skype. Dans ce road movie postapocalyptique, c’est extrême, exagéré et cela en devient burlesque. Tu lis « VenZeance » un peu comme tu regardes une série B où c’est tellement nul que tu es obligé de rigoler. C’est vrai que j’ai été plus loin que tout ce que j’avais fait jusque-là mais j’assume complètement. Les seules limites qui se trouvent dans cette BD, ce sont celles que j’ai déjà intégrées. Il n’y a pas de sexe, on ne parle pas de religion et il n’y a pas beaucoup de politique. Grâce aux Éditions Gore des Alpes se présentait une occasion en or de réaliser quelque chose d’immonde. J’ai été dans leur logique, celle du petit livre addictif que tu commences à lire dans le train à Sion, à Vevey tu sors le sac à vomis et arrivé à Genève tu l’as rempli. »

C’est juste débile, hilarant et jouissif à faire. »

Une pause puis en levant le doigt, François surligne ses propos avec un : « Ce qui désamorce le tout, c’est que le dessin n’est pas réaliste. Ce n’est pas du gore sordide, dur ou angoissant. C’est juste débile, hilarant et jouissif à faire. Il y a des choses que je ne montre pas. Je les décris, ce qui est encore plus dégueulasse quand le lecteur les imagine. » Pour l’occasion, notre créateur s’est fendu de l’intégrale en BD et série de « Walking Dead ». « Même si ce n’est pas mon monde… Mais j’ai toujours eu envie de faire des choses différentes, ce qui me perdra. Sur « VenZeance », je n’ai rien inventé. Les récits avec des zombies ne manquent pas et CC, dans l’histoire, reste pareil à lui-même… »

Les premières esquisses, les recherches, les crayonnés de François Maret pour « VenZeance ».

CC inerte

Le spectacle de CC lors de sa choucroute.

Justement, le CC en question s’est-il manifesté d’une quelconque façon (ou l’inverse) ? « On aurait bien aimé. On lui a envoyé l’album sous forme de PDF pour qu’il puisse le télécharger. Il n’y a eu aucun retour. Pareil du côté de Canal 9 qui est pourtant bien présente dans le récit. Sur les réseaux sociaux, personne n’a trouvé ça trop crade. Quand il y a des réactions… Je vis avec ça tout le temps. Tu publies un dessin où tu as bossé comme un malade dessus, tu reçois une dizaine de « J’aime » sur Facebook. Tu mets un machin avec des petits chats-miaou, il y en a une centaine. Dans ma vie professionnelle, je côtoie beaucoup de gens. Si j’ai un commentaire par mois, c’est le bout du monde ! »

Résumé par CC de la situation.

Consignes de jeu données par CC aux joueurs du FC Sion.

Le match tel qu’en lui-même avec des footballeurs qui paient de leurs personnes.

Réactions médiatiques sur le plateau de Canal 9.

Gribouillé, vif, rapide

Les premières amorces de « VenZeance », je les ai vues en septembre 2018, dans le jardin de François, un après-midi de liesse. Avec un plaisir contagieux, j’avais goûté les sept-huit premières planches. Depuis, François s’est éclaté sur 135 autres dans un style nouveau. « Je voulais un trait gribouillé, vif, rapide. Cela m’a donné une tendinite à force de réaliser des hachures. Entre octobre et décembre 2019, j’ai utilisé un programme informatique pour y mettre des trames comme sur les mangas. Je pensais que cela serait vite fait, cela m’a pris une heure par planche ! »

Le logiciel pour les trames.

Gratuit puis imprimé

Dans ses prévisions éditoriales, « VenZeance » devait être en librairies au printemps 2020. Et puis cette tuile de virus Corona a contrarié cette saga de contamination. « La réalité de cette coïncidence nous a percutés. Je ne la décrirai pas comme amusante car la situation actuelle n’a vraiment rien de drôle. Avec Philippe Battaglia, le directeur de la collection, on s’est dit qu’il fallait publier gratuitement l’album en feuilleton sur les réseaux sociaux (https://www.facebook.com/goredesalpes/). C’était pour offrir quelque chose aux gens qui sont coincés chez eux. Je constate que la lecture sur un écran fonctionne, on a envie de glisser d’une page à l’autre. Le papier reste quand même la base et l’album sortira d’ici quelques mois. Les gens le découvrent maintenant, ils voudront l’objet « livre ». On prend ce risque ! »

Couverture de l’œuvre en librairies. Bientôt…

Ordre militaire.

Autre chose qui gigote

L’adage hyperconnu veut que, dans chaque Suisse, il y ait un flic qui sommeille (et que dans le canton de Vaud, il est réveillé). À l’intérieur de François Maret, il y avait un très sale gosse endormi qui vient de se prendre une bonne piqûre d’adrénaline. Y’aura-t-il un reviens-y au goût de la chair faisandée ? « Oui, il y a autre chose qui gigote. J’ai envie d’un truc dans les montagnes, de la forêt et des raccards. On verra… » Attends-toi à un Dahu lycanthrope qui éviscère des randonneurs de l’extrême en pleine saison touristique. Ou un truc du genre. Cela va mûrir ou pourrir (selon les sensibilités), fais confiance à François pour te (d)étonner à donf !

Joël Cerutti

 

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