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Pierre-Emile Bertona n’a rien d’un «Monsieur Moi Je». Depuis quasi quatre décennies, notre artiste sierrois allie deux passions : la basse et la photographie. Pour la première fois, il commente quelques-uns de ses clichés.

Juste au-dessus de ces mots, tu admires un collector, une photo rarissime dans l’inédit : une prise de vue où Pierre-Emile se retrouve devant l’objectif aux côtés du batteur Manu Katché. Elle figure dans un lot que le principal intéressé m’a lui-même rien que personnellement envoyé. Je tombe sur la première, je me dis que cela lui a échappé. Une erreur de souris. Je découvre la seconde, je lui demande aussi sec si j’ai le droit de la publier dans l’article, m’attendant à un refus. « Tu prends ce que tu veux »… qu’il me répond ! J’en reste baba. J’ai revu Pierre-Emile voici quelques semaines après la réception d’un de ces mails avec une pièce jointe (programmebernunes). J’y apprends que se tiendra à la Cave des Bernunes, le 30 octobre 2021, une Soirée Petite Arvine avec Manu Katché. « Un joli titre pour quelqu’un qui ne boit pas une goutte d’alcool », s’en amuse Pierre-Emile. Lorsque j’insinue sans subtilité qu’il doit être derrière cette venue en terre sierroise, il riposte qu’il en est « juste l’entremetteur ». Et qu’il sera « le chauffeur » du mythique batteur dans nos contrées.

Là, je le retrouve Pierre-Emile.

D’accord, lorsqu’il passe à Paris, il prend un petit café justement chez Manu Katché. Et il le dit sans bomber le torse. Même en retraite anticipée, Pierre-Emile ne se mettra jamais au premier plan. « Je fais moins mais mieux », résume-t-il.

Ses rencontres avec les grands de la musique, il les obtient par des concours de circonstances, des audaces évidentes, des moments où son tact devient le plus simple des sésames. « J’appelle ça le compagnonnage tranquille », sourit Pierre-Emile au-dessus de son t-shirt noir Fender.

Je me souviens d’un soir de 2005, où devant un garage de l’Avenue du Marché 6-8 à Sierre, je croise Patrick Moraz (claviériste du groupe Yes ou des Moody Blues !) aux côtés de Pierre-Emile. Comme ça. « Patrick, c’est un poème et un rêve. Il a passé plusieurs étés en Valais. Je suis bizarrement resté en contact avec lui alors qu’il habite en Amérique où il doit s’occuper de sa belle-mère qui a 103 ans. On se téléphone quasi tous les jours. » En 2012, Pierre-Emile a figuré dans mes toutes premières publications sur ce qui était alors mon blog personnel. Je l’ai fait migrer une première fois sur le site PJ Investigations et je le fais rebondir une seconde du côté de Valais Surprenant. Avec des photos en bonus et quelques ajouts de plume. Apprécie !

En artisan discret, Pierre-Emile Bertona joue aux côtés de Bernie Constantin ou Casal. Devant son objectif défilent des grands noms, tous genres confondus. Pierre-Emile Bertona n’en fait jamais étalage. Quand il bossait dans les assurances, il avait «un patron génial» qui lui permettait d’organiser son agenda pour être sur ou devant les scènes. Voire même les plateaux télé. Quelques commentaires glanés au Café Helvetia en 2012… puis en 2021.

Manu Katché, savoir être discret

«Manu Katché, cela fait plus de trente ans que je le connais grâce à Catherine Lara. J’étais très ami avec quelqu’un qui faisait le son pour elle. Et le contact s’est fait. Depuis, Manu est revenu régulièrement dans la région, à titre privé ou comme lors d’un concert avec Michel Jonasz à Vercorin. J’ai réalisé pas mal de photos pour lui, certaines ont été utilisées pour des publicités. Quand je veux me rendre à un de ses concerts ou sur le plateau d’une émission de télévision, internet facilite beaucoup les choses. Une fois, il est venu me remercier pour ma discrétion qui laissait travailler les musiciens.»

« J’aime bien photographier des amis. Je ne le fais pas de façon compulsive, je rentre par la petite porte, on me fait confiance et c’est comme ça que cela doit être. Je réalise mes photos durant les répétitions car c’est là qu’elles sont les meilleures. Les artistes sont plus cool, plus «vrais» durant le soundcheck, ils rigolent. Quand je vais à Paris, sur un plateau télé, c’est durant mon temps libre. Personne ne m’offre le billet, c’est pour ma pomme. Mais, en retour, cela me rapporte des moments tellements supers, géniaux. Il y a des gens qui paieraient pour ça!»

Frank Zappa, la liberté des débuts (plus la suite avec Dweezil)

«Frank Zappa fait partie des premiers concerts que j’ai été photographier. A l’époque, tu pouvais entrer avec tout ton matériel sans que l’on t’emmerde. J’avais un petit Canon et des objectifs prêtés par un copain. Aujourd’hui, c’est devenu plus compliqué. Tu as le promoteur qui refuse que tu fasses des photos, à cause du manager qui refuse à cause de l’artiste. Et puis faire trois clichés, comme tout le monde, durant les premiers morceaux et après de dégager, cela ne m’intéresse pas.»

«Lors d’un concert de Dweezil Zappa à Montreux, j’ai bien rigolé avec son batteur Ryan Brown. Lorsque le groupe est revenu à Bâle, je n’ai pas hésité une seconde. Je n’ai pas eu de contact direct avec Dweezil, c’est grâce à Ryan que j’étais dans les coulisses. C’est parfois un monde corporatiste, les batteurs ou les bassistes restent avec les batteurs et les bassistes.»

 

Tony Levin, un vrai extra-terrestre

«Catherine Lara a aussi pris Tony Levin comme bassiste. Il est venu jouer sur un disque, en septembre 1984, et j’ai fait sa connaissance. Il joue de la basse mieux que moi (rires !), c’est un sacré bonhomme, très drôle. Il aime aussi beaucoup la photo. Ce gars-là se passionne pour toutes les nouvelles technologies, c’est un vrai extra-terrestre.»

Jannick Top n’est pas un canular

« Jannick Top, c’est un de mes bassistes préférés. A un moment, on est entré par hasard en contact car il cherchait une mini-basse Fender. En plus, il se mariait le lendemain à Fully ! Au début, quand il a cherché à me joindre, j’ai cru que c’était un canular de mes amis du groupe «Village Popaul». J’étais certains qu’ils cherchaient à me mener en bateau en se faisant passer pour Jannick Top. Mais lorsque j’ai vu que le numéro commençait par un 06, cela m’a intrigué. »

Michel Fugain, toujours grâce aux amis

«Michel Fugain… J’aime beaucoup le personnage et j’ai pu l’approcher car j’avais à nouveau deux amis qui bossaient pour lui. Disons que les liens se font toujours rapidement avec les gens que j’aime bien. Si cela ne passe pas, je pends mon sac et je fous le camps. Je suis privilégié pour ça.»

Pierre-Louis Bonvin

Pierre-Louis Bonvin, frère de Paul Mac. «Il s’était monté un système pour être rock’n roll et verre de rouge. »

Peter Gabriel, humble et humain

«Peter Gabriel, une rencontre grâce à Tony Levin qui joue avec lui. Il est venu nous parler après une répétition, dans les coulisses. J’ai été frappé à quel point il était humble et simple. Une belle leçon d’humilité. Etre bassiste, musicien, cela m’a bien aidé au début et maintenant cela m’aide encore plus. Les artistes sont aussi en attente de photos. Quand ils les utilisent, ils me demandent la permission mais c’est toujours gratuit. Je le fais par amitié, ce n’est pas mon boulot, je ne veux pas avoir de relations d’argent. Il m’est arrivé que des journaux français piquent mon travail sans mettre de crédit. On me promet de plates excuses.»

Lui…

Pierre-Emile avec Ryan Brown (lire plus haut…)

« C’est vrai que je devrais faire un site… Quant au classement des photos, c’est un sacré foutoir ! Disons qu’il est… chronologique. Mon disque dur est entre mes deux oreilles. J’ai aussi remarqué que mon regard a changé si je reviens sur des photos prises voici 3, 5 ou 10 ans. J’adore la photo, j’adore la musique, je ne peux qu’aimer faire des photos de musique. Par contre, je déteste être pris, moi, en photo durant un concert ! Je préfère être du bon côté de l’objectif.» 

Pour le plaisir (à toi de les reconnaître, c’est un quizz photographique de fin d’article…)

 

Propos recueillis par Joël Cerutti (début été 2012 et automne 2021) – Toutes les photos sont de Pierre-Emile Bertona (à part celles où il est devant l’objectif, of course…).

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