Début mai 2019, Yves Métrailler annonce officiellement être aux commandes de L’Arnouva. Un restaurant de Crans-Montana, accessible gratuitement en télécabine (ou en bus navette). Depuis des années, je rêvais de lui dresser son portrait à Yves. Mission accomplie avec un cuisinier évidemment surprenant et TRÈS (d) étonnant.
Aux dernières nouvelles des réseaux sociaux, Yves Métrailler mouille sa chemise, son t-shirt, sa blouse de cuisinier au restaurant L’Arnouva. L’établissement se perche au-dessus de Crans-Montana. Tu y accèdes par télécabine depuis Crans Signal.
Fastoche, tu rentres, tu montes, tu sors, tu y es. Gratuit pour toi, le voyage revient « 550 francs de l’heure aux remontées mécaniques », te calcule Yves, comme d’hab’ brut et franc de décoffrage.
Le logo d’Arnouva, classe, s’inscrit sur la façade et marque déjà les verres à vin de l’établissement.
« T’as vu ça ? Il est inspiré d’une photo prise depuis Cry d’Er. J’ai choisi la partie où l’on voit la Dent Blanche parce que je suis en partie Evolénard. Comme tu le sais, Dieu se cache dans les détails ! », m’explique Yves, d’emblée, avec un grand sourire angélique. Celui du gosse qui jouit de te jouer des bons tours !
L’Arnouva, le lieu, Yves ne te le décrit pas comme un coup de cœur immédiat. « Lorsque j’ai vu ce machin, j’ai demandé que l’on règle le problème avec un trax. Le restaurant n’a rien de pratique dans sa conception, ce sont des bouts de ficelles, tu crois qu’ils ont laissé les trucs là où c’est tombé. » Quelque chose à sauver ? « L’emplacement ! » Et le charme l’a possédé à l’usure. « Plus je venais, plus je trouvais que ce n’était finalement pas si mal ! » Aux jugements a succédé l’action.
« J’ai arraché les rideaux, viré la déco, mis des tableaux d’un pote, le peintre Pierre Zufferey, et j’ai engagé des gens sympas, atypiques. »
Au service, tu apprécies une ancienne croupière de casino ou une violoniste professionnelle. Le pizzaïolo exerçait la profession d’électricien. « Il est venu à l’entretien et, en guise de CV, il m’a montré les photos des pizzas qu’il réalisait. Il pouvait la cuire à la suisse, à la « Sud de l’Italie » et il maîtrisait tous les ingrédients. Un mec comme ça, tu l’engages tout de suite ! » Quant à son chef de midi, il sort d’une dizaine d’années au Casino Montreux.
Le chef du soir, ce sera lui, Yves Métrailler, parce qu’il a ça dans l’ADN de son sang de ses molécules. Dans la peau, quoi…
« La cuisine, je suis né avec ça. Dans ma famille, c’était une fête permanente. Dans notre villa, à Diolly, il y avait toujours du monde et papa à la cuisine. Il faisait dans les 155 kg, il adorait boire et manger. La consommation de vin, c’était les 1 000 litres par an que nous encavions de nos vignes ! »
Malgré tout, Yves s’est d’abord fourvoyé dans d’autres giratoires professionnels. « Les gens ne me croient pas quand je dis ce que j’ai fait avant. J’ai été carrossier ! » Alors, il te sort un press-book avec des voitures dont les courbes sont rehaussées par d’autres issues de modèles féminins. Souvent des copines. Puis Yves s’est amusé à jouer avec son physique, masse imposante et crâne rasé, style que tu ne vas pas lui chercher des poux ou des noises. Agent de sécurité, donc… « J’avais vraiment la gueule de « Moi, moche et méchant ». J’ai assuré la protection de Michael Schumacher, de la chanteuse Noa. Pendant sept ans, j’ai géré une cinquantaine d’agents lors du Salon de l’Auto. Le parking, c’était 18 000 voitures par jour ! »
Au final, le naturel des fourneaux a gagné au Tiercé à force de revenir au galop.
J’ai connu Yves, voici dix ans, quand il officiait au bord du Lac Grenon, à Crans-Montana. Une claque. Puis, je l’ai suivi à La Villa (alors Bayard) de Sierre. Une seconde paire de baffes. Des produits à te faire tomber les chaussettes d’orgasmes gustatifs. Du solide sans chichis apprêtés. Enfin, j’ai encore accroché lorsqu’il a laissé rugir ses fourneaux au Lion d’Or, sur les hauts de Chamoson. Je ne me suis pas gêné de le caser dans mes deux guides « Le Valais surprenant et (d) étonnant » par évidente sympathie !
C’est à Chamoson qu’Yves doit descendre du ring. Par la saloperie du destin. Sa femme, gravement malade, semble s’accrocher à la vie pour qu’il puisse toujours cuisiner. Il dépose les plaques un lundi – son proprio lui a trouvé un remplaçant – le dimanche son épouse peut s’en aller. Il se met en stand-by car « Je ne voyais pas ça autrement.»
Veuf, durant deux et demi, il s’occupe de ses enfants, ses deux « Loulous », représente une cave, sert de traiteur, invente « La Table d’Yves », des photos de plats qu’il prépare essentiellement pour des amis.
Voici peu, il se sent prêt à remettre les gants.
Cela ne lui plaisait guère de se laisser pourrir par le syndrome du canapé. Presque avachi devant « Top Models » ou « Demain nous appartient », il sentait bouillir la cafetière. Par des relations communes, il délivre un message à des proches, eux-mêmes côtoyant des responsables de CMA dont un certain… « Radovan Vitek ? J’ai cuisiné pour lui. En 5 minutes, on se tutoyait. Il m’a apprécié tout de suite car il se méfie des chefs qui sont maigres ! » Bref, Yves en selle fait son marché. « J’avais le choix sur 11 établissements, j’ai pris celui facile d’accès et qui pouvait ouvrir le soir… » Et la nuit, il y aura un bus navette conduit par un « ancien chauffeur de Johnny ».
Notre hors-cadre – qui porte le titre d’executive chef – a mis « son nez partout ».
De la farine utilisée pour la pizza, à la qualité du fromage, que du meilleur, que de la primeur ! Car quand il tourne la clé de contact, ce gros nounours met un grizzli dans son moteur. Le bar extérieur, monté en un temps record, sera « street-artisé » le 24 juillet 2019 en osmose avec le Vision Art Festival.
Être sur les hauteurs, cela ne signifie pas rester dans son coin. Pas son style, à Yves… « Lionne », la petite chienne Jack Russel qui l’accompagne partout, a parfois été nourrie avec du bœuf de Kobe. Essaye juste de penser au bonheur culinaire que son maître t’apporte à toi, joyeux bipède ! On se retrouve là-haut ?
Joël Cerutti
Depuis le 5 juillet, L’Arnouva est ouvert 7/7 de 9 à 24 heures.
A quand le label « Saveurs du Valais »?
Ça va venir🥰🥰🥰
J’ai eu la chance de rencontrer Yves il y a quelques années chez des amis lors d’une période très difficile pour lui, se retrouvant orphelin de son grand amour. J’ai immédiatement été fasciné par sa connaissances des vins et ses dons culinaires. C’est alors qu’il a créé la Table d’Yves chez lui à Montana. Le destin m’a permis de rencontrer cet artiste culinaire surdoué et hors norme. Merci