« Réveille le loup qui est en toi » propose aux enfants des cours pour se positionner face au harcèlement, à la violence. Ils associent le savoir-faire d’une thérapeute (Christine Savoy) et d’un spécialiste en self-défense (Raphaël Roig). Une richesse atypique et une complémentarité logique.

Dans un claquement de temps, tu laisses filer la seconde. Une autre arrive derrière. Tu ignores comment la maîtriser. Raphaël Roig le sait. Dans l’éternité d’une seconde, il évalue la situation, il mesure le danger, il adopte la juste posture : il a été formé pour ça. « Agneau ou loup, tu as une seconde pour décider », me décrit-il. Durant les cours « Réveille le loup qui est en toi », il transmettra aux enfants, avec Christine Savoy, comment se positionner face à la violence. « Je leur détaillerai les mécanismes et ce qui permet de les repérer. Ils sont d’une génération qui apprend vite, ils sont même plus rapides que nous. Avec Christine, nous avons choisi le loup comme emblème car les enfants l’adorent. L’image qu’il véhicule sort aussi du rôle de victime… »

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 Les couleurs du danger

Quand il te parle des postures, même assis, Raphaël les adopte instinctivement avec ses mains. C’est devenu inné. Lorsqu’il était à l’étranger, mettons en Algérie, le danger s’évaluait en codes couleurs. Blanc t’offrait le droit de dormir. Jaune ou orange te demandaient d’ouvrir les deux yeux. Rouge, ça bardait. Noir signifiait la mort. Avant ces missions  – en tant que soldat garde-frontière – Raphaël met ses muscles à contribution dans la Nature. « J’ai été forestier bûcheron avec un CFC. Un magnifique métier ! Puis j’ai effectué mon école de recrues à 18 ans. »

Raphaël se construit dans le « dépassement de soi, l’adrénaline, l’esprit de groupe… » « J’ai peut-être été sauvé par ça, j’aurais pu mal tourner… » Il y reste, sous les drapeaux. Il assure – sous les ordres d’un colonel qu’il tient en haute estime ­ – des missions de sécurité en Suisse comme ailleurs. Des trucs qui se racontent sous le sceau de la sympathique confidence mais qui ne s’écrivent pas.

« Facilités pour apprendre »

Puis Raphaël suit son colonel dans le privé (Protectas), puis il passe à la police communale de Sion, puis à la cantonale. Il investit ses énergies dans l’aïkido, le ninjutsu, le reiki ou le krav maga. « J’ai beaucoup de facilités pour apprendre et j’aime développer de nouvelles techniques. Je suis assez nomade, je vais suivre des cours en Espagne, en Italie. » Avec le bagage et l’expérience, Raphaël passe le témoin de son savoir. Il forme. Des gens de son milieu, au départ. Ensuite, surprise, il apporte ses compétences dans d’autres univers : ambulanciers, des profs, des éducateurs spécialisés. « Eux, je ne sais pas comment ils tiennent ! Les comportements violents font partie de leur quotidien, ce n’est pas évident pour eux et je les admire. Les outils que j’ai reçus leur montrent comment gérer certaines situations. Déjà par une communication adaptée qui entraîne une désescalade de la violence. Ou alors, dans un bureau comment s’aménager une voie de sortie pour ne pas se mettre en danger. »

 « Quand c’est violent, c’est vraiment violent »

Raphaël ne ménage pas ses peines, il conçoit des cours (self-défense, spray au poivre, Urban Défense) qui s’avèrent des premières en Suisse romande (ou Suisse tout court). Formateur via sa société RR Consulting, il collabore encore avec la LAVI (L’Aide aux Victimes d’Infractions). Raphaël, vit-on dans un monde de brutes sans cesse en expansion ? « Les cas de violence ne sont pas plus nombreux qu’avant. Ce qui change ? Quand c’est violent, c’est vraiment violent. Les couteaux sortent de plus en plus facilement. »

Alors Raphaël, aux grands comme aux têtes blondes, facilite la recherche des ressources intérieures. « Je travaille énormément dehors. Aux Îles, à la Châtaigneraie de Fully, c’est plus facile d’expliquer l’ancrage, les sensations, la respiration. » Il croise Christine Savoy par le biais d’une connaissance commune. Déclic ? Déclic. « Pour carburer, elle carbure ! »

 « Colmater la brèche »

Il y a encore très peu, Christine Savoy exerçait le métier d’enseignante. De celui qui vous confronte aux harcèlements et qui vous laisse démunie. « Une fois, dans le couloir de l’école, je suis tombée sur une de mes élèves qui pleurait toute seule. Elle a fini par me montrer son Natel. Un groupe What’s App avait été formé contre elle. Il y avait plus de 100 messages. L’un d’entre eux disait : « Va te pendre, sale pute ! » Je me suis mise moi aussi à pleurer. Je connaissais celui qui avait écrit ces mots. Je lui donnais des cours d’appoint. Lorsque je lui ai expliqué à quel point j’avais été horrifiée, il m’a répondu que c’était juste pour rire. » Christine laisse passer son émotion puis reprend. « J’ai un ami qui compare les mots à des flèches. Lorsqu’elles se plantent, on ne peut plus les retirer, elles laissent des cicatrices. Je me suis demandé comment colmater la brèche. »

Soigner, cautériser, renaître : il y a l’attitude physique et aussi celle du mental. « Il faut apprendre à gérer ses émotions après les insultes, se redonner sa propre valeur. Il y a une façon de rendre ces mots pour qu’ils ne restent pas collés… » Sans nettoyage, les traces durent. « Des mots entendus à 8 ans peuvent avoir des effets encore à 50. Il est bien d’aller regarder ce qui est dans l’ombre pour faire grandir ce qui est lumineux. Les ateliers permettent de se positionner en son « fort » intérieur, oser dire non quand les limites sont atteintes… »

Prévu déjà début 2020, « Réveille le loup qui est en toi » a évidemment subi les retards du virus. Les cours rassemblent leurs meutes dès le 26 juin 2020. Dates et contacts ici : https://www.reveilleleloupquiestentoi.com/nos-services

La complémentarité entre Christine et Raphaël saute aux yeux. Notre homme s’est même plié à une douce séance de photos pour la cause du site. « J’ai remporté un tournoi européen de self-défense et Christine me fait poser avec une fleur à la main. J’ai dû m’adapter ! », ronchonne-t-il avec plein d’amusement dans les yeux.

Joël Cerutti

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