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Photo publiée par Fox Kijango sur le profil FB de Salvo Vaucher.

 

Venu de Syracuse en Suisse, Salvo Vaucher pratique le pinceau comme l’accordéon ou la trompette. Jadis membre du groupe Fleuve Congo, il gère aujourd’hui par passion le label valaisan Escudero Records. Portrait d’un itinéraire joyeusement atypique !

 

Quelque part, c’est uniquement rien que sa faute à lui – Salvo Vaucher ­ – si une soirée durant j’ai ri sans discontinuer. D’une étagère, l’amie Denise m’avait sorti le CD du groupe Paradajz Vampiri. Sur la pochette posaient des musiciens aux tronches de déterrés (normal, ce sont des vampires). Le long des morceaux, ces asticots du rythme passaient à la moulinette slave des grands classiques de la musique. C’était du fendard pour les ouïes ! Des décibels irrespectueux comme mes oreilles les apprécient. Salvo Vaucher tient l’accordéon dans cette formation et, lors de notre rencontre, il me révèle que je n’aurais jamais dû entendre ce CD. « Nous n’avons pas commercialisé de disques ! Il doit s’agir d’un tirage confidentiel à peu d’exemplaires dont un donné à Denise… »

Puis Salvo m’indique comment il est devenu un membre de ces Vampires serbes et roumains. « Jouer de l’accordéon, c’était un rêve d’enfant. À Bussigny, il y avait un magasin qui en vendait. Je me suis lancé, j’ai pris mes premiers cours à l’Écho de Renens. J’étais tout sauf un grand musicien. Quatre mois plus tard, dans un magasin du Flon, je vois une annonce d’un groupe qui cherchait un accordéoniste… » Et hop, Salvo se porte candidat volontaire. Quelques décennies plus tard – je ne donne pas d’âge aux vampires ­ – la formation existe toujours, se réunissant plus qu’épisodiquement pour deux-trois concerts annuels. « C’est le seul groupe qui me reste ! », commente Salvo.

Parcours géographiques et télégraphiques

Je te carbonise quelques étapes dans la chronologie, c’était pour t’accrocher en ouverture d’article avec du sanguinolent rigolard.

Les racines profondes de Salvo s’enfoncent dans l’humus sicilien, à Syracuse. Dès l’adolescence, il tombe dans le monde du spectacle. « Tomber » n’est pas vraiment le terme approprié car il se perche au sommet de structures qu’il aide à construire et qui constituent les scènes de Vasco Rossi (entre autres). Ce jeunot de « roadie » écume l’Italie via Rome, Milan, Venise, Bologne… Puis, en 1986, la Suissesse Tatjana plante ses sardines dans un camping en Sicile, rencontre avec Salvo, mariage en 1991, bond des fins fonds de la botte italienne vers l’Helvétie à Bussigny, à Lausanne et enfin à Grimisuat (c’est dingue comme le style télégraphique t’allonge les phrases, non ?).

Photo publiée par Fox Kijango sur le profil FB de Salvo Vaucher.

Le Fleuve et la trompette

Tu l’as compris, l’accordéon ne met pas du beurre dans les épinards du ménage. Salvo exerce son métier de peintre en bâtiment… La musique représente un sacré à côté et une intense passion. Salvo continue son initiation au piano du pauvre (piètre synonyme de l’accordéon mais j’ai pô mieux) sous la houlette de Stéphane Chapuis. Il enchaîne sur des cours de trompette avec Pascal Walpen comme prof. Avec cet instrument, il part enrichir la section cuivre du groupe Fleuve Congo.

Label donné !

Comme le temps ne suspend guère son vol, nous franchissons le mur du XXe siècle pour frôler l’an 2008. Aux alentours de cette date, Salvo entre dans les sillons du label valaisan Escudero Records. « Il a été fondé par Victor Corbillon, immense amateur de musique, et qui gère une fiduciaire. À ses débuts, Escudero avait surtout une couleur rock-métal par le biais d’Arnaud Favre. » Salvo est mandaté pour élargir la palette avec d’autres genres. « Puis Arnaud s’est éloigné, Victor a développé son entreprise, il m’a carrément donné le label avec une seule condition : la promesse de garder le nom d’Escudero. Celui-ci rendait hommage à son grand-père qui, lors de la guerre civile en Espagne, avait protégé son village. » Depuis une décennie la patte de Salvo marque la ligne musicale. « Dans mon idée, chaque groupe produit doit avoir un style différent. Ainsi, il n’existe aucune concurrence… » Une auscultation numérique approfondie sur le site te démontre la véracité de ses propos.

Escudero Records, c’est :

  • Du celtique avec Anach Cuan

  • Du rap avec Sim’s

  • Du (hard) rock avec Silver Dust

  • Du rock gypsy punk sicilien version balkanique avec Giufà

  • De la soul humaniste (c’est mon étiquette) avec JulDem
  • De la chanson française qui remue avec jO Mettraux…

 

Et c’est juste un échantillon des seize artistes couvés par Escudero. « Personnellement, j’en gère une dizaine… » Car Salvo partage sa tâche avec son acolyte Guillaume Rey…

Double vie

© Photo by Stéphane Harnisch Music

Cette distribution amène Salvo vers une double vie. « Ma journée commence à 5 heures du matin comme peintre en bâtiment. Puis, dès le début de l’après-midi, j’enchaîne avec le label. » Salvo ne décolle pas de son ordinateur. Il participe aux projets de ses poulains, il monte des dossiers, déniche des subventions, suit la conception des albums, trouve des dates, organise les tournées ou des ateliers, contacte la presse (la preuve : cet article !), se montre présent à certains concerts. « J’essaie d’être là lors des dates importantes ou durant les gros festivals, c’est normal. » Et il connaît les limites de l’exercice. « Au vu de la grandeur du marché suisse, on ne peut pas vivre de ça, c’est compliqué. Ce job reste surtout un plaisir. » Salvo me confie, au passage, avoir plus de 17 000 morceaux dans son iPhone. À ce stade, cela tutoie la perversion musicale, moi je dis !

Joël Cerutti

http://www.escudero-records.com/fr/

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