Aurélie Emery a mis ses pas musicaux dans les traces poétiques de Corinna Bille. La rencontre donne « Un goût de rocher », un CD de 14 titres, et où plusieurs lieux valaisans sont évoqués dans le livret. Dès lors quoi de plus logique qu’une entrevue pour nourrir cette rubrique ? À table, les curiosités géographiques sont servies !
Aurélie Emery, je croise son destin musical une minuscule fois en 2014, lors d’une émission de Canal 9. Elle manie aussi bien l’humour – je le remarque après l’enregistrement au Grand Pont de Sion – que la maîtrise du sampler avec son premier disque, « Kiss Surya ». Elle me scotche, la fillotte ! De par sa démarche et ses exigences. J’apprends plus tard que son patrimoine génétique la prédispose à… (avec une mère qui dirige des chorales et joue de l’orgue…) !
Je la garde dans un coin de ma mémoire – Aurélie – et un autre coin – celui de l’œil – repère au printemps 2019 son CD « Un goût de rocher », superbement emballé par l’illustratrice Céline Giovannini. Aurélie y met en harmonies des poèmes de Corinna Bille, des rimes qui se peignent dans son cadre musical. Mon instinct – que j’apprends à écouter oreilles grandes ouvertes – me pousse au contact FB. Je lui propose la rubrique « Le Valais étonnant de… »,
En quelques minutes, le 7 octobre 2019, retour Messenger et rendez-vous fixé à la Médiathèque de Sion. L’interview s’écoule le 14 octobre sur presque deux heures où s’éventent les bulles de son eau minérale. Plus tard, en lisant ses « Chaleureux remerciements » en fin de livret, je découvre comme une logique inconsciente. Aurélie mentionne bien des lieux qui se retrouvent dans le florilège « d’une femme végétale ». Prêt.e pour planter des graines de curiosités géographiques ? ‘Tention, ça pousse à la découverte !
Église de Chamoson : Corinna qui s’impose
« L’église de Chamoson… sans elle tout aurait été différent. L’Association Johannis On Stage m’a donné carte blanche, en mai 2018, pour chanter dans un lieu de notre patrimoine. Comme j’apprécie particulièrement les acoustiques d’église, nous sommes allé visiter celle qui trône au milieu du village. A l’intérieur, j’y ai découvert les vitraux réalisés par Edmond Bille, (père de Corinna), ce qui m’a donné instantanément l’idée de chanter les texte de sa fille. Je ne suis pas une grande lectrice de roman, mais son recueil de poésies « Soleil de la Nuit », je l’ai lu et relu étant adolescente. Cela a donc été une aventure toute nouvelle de composer de la musique pour des poèmes ; d’essayer de les dépeindre avec ma palette de musique et de me mettre au service du texte. Aussi, je dirais presque que c’est Corinna qui est venue me chercher. Pour moi c’est une évidence poétique, posthume, étrange. Ce jour-là, c’est comme si « l’oiseau de l’inspiration » était venu me trouver (et dont je parle dans le livret du CD).»
Mayens de Sion : une enfance qui crapahute
« Ma famille possède un vrai mayen aux Mayens de Sion. Pas un chalet. Il doit dater de 1890… Enfin… je crois ! J’ai sorti cette date lors d’une interview radio et mes parents étaient soudain très contents de savoir quand le mayen avait été construit ! Il y a une étable en dessous, les vaches pouvaient paître aux alentours, mes aïeux y faisaient leur fromage. Durant mon enfance, on y passait un mois en été. Je pouvais crapahuter entre les mélèzes, sentir leur odeur, celle des pins, me balader au bord des torrents, j’étais plongée dans la faune et la flore. C’était merveilleux ! Sur le bisse, on faisait flotter des petits bateaux en écorce de mélèze. Aujourd’hui, j’y suis souvent pour composer et me ressourcer. »
La Pitrerie : une synchronicité sonore
« Aux Mayens, j’ai réalisé une partie des esquisses des chansons et des maquettes audio. Nous avons enregistré la contrebasse, le marimba dans le local de mon percussionniste, Didier Métrailler. J’ai par la suite tenté de réaliser quelques prises de voix dans mon petit mayen (heureusement il n’y avait plus les vaches et leur symphonie de cloches) mais selon l’ingé son avec qui j’ai travaillé, (Marcin de Morsier) cette sorte de réverbe propre aux petites pièces s’entendait trop. Il a donc fallu donc un enregistrement propre de cabine. J’ai dû un peu capituler. Mais la synchronicité veut que, à 5 minutes du mayen, plus bas, à La Pitrerie, il y ait un studio d’enregistrement ! J’ai donc migré de mon mayen à la Pitrerie, où je suis restée en résidence durant plus d’un mois et où j’ai réalisé seule la plupart des prises de guitare et de voix et certains arrangements. »
Bramois, passage sous voie : l’acoustique adolescente
« C’est un lieu – sous l’autoroute – qui a une acoustique incroyable grâce au béton lisse et une réverbération hyperlourde. Adolescente, j’allais y chanter très fort la nuit (il n’y a pas de voisins !) car je pouvais m’entendre, et y expérimenter mon potentiel. Il est magique, comme un mégaphone pour y déployer ma voix. »
Chapelle Notre Dame de Bon Conseil : les énergies qui focalisent
« Elle n’est pas loin d’une pierre à cupules, c’est un lieu énergétique puissant. Presque à chaque fois que j’y vais, la batterie de mon natel se plante même si elle est encore à 50 %. Ce qui ne m’empêche d’être scotchée à mon téléphone, à vouloir essayer en vain de partager au vaste monde (enfin… sur des stories Instagram) la beauté de cette cathédrale de mélèzes ! Probablement un vortex cosmotellurique dont parlent les géobiologistes. Cet endroit m’amène dans une autre dimension. Lorsque je me pose là, mon esprit souvent excité comme un petit moustique, se recentre. La Nature, les arbres m’apaisent. »
Le Port- Franc, le Point 11, la Ferme Asile: myriade de groupes
«Trois merveilleux îlots de musique et de culture dans le paysage sédunois où l’on peut découvrir toutes une myriade de groupes d’horizons divers.»
La Roulotte Verte de Bramois : LA révolution
« On y vend les produits des maraîchers locaux et bios, cultivé à même pas 500 mètres. Il y a la confiance dans le paiement, pas d’emballage en plastique, on sait d’où viennent les aliments. Pour moi, c’est LA révolution. Et je suis heureuse que cela soit arrivé en Valais. »
https://www.facebook.com/Bioterroir-la-Roulotte-Verte-683482315075452/
Sierre, immeuble Le City (aujourd’hui le Bonvini Bar) : la grand-mère et l’ascenseur
« Des potes avaient monté une petite scène au pied de l’immeuble où habite ma grand-mère. Elle n’a eu qu’à prendre l’ascenseur pour venir m’entendre. Comble du hasard, c’était une des premières fois où j’ai chanté en public. À l’époque, je me cachais encore derrière des paroles en anglais. Ma grand-mère trouvait dommage de ne pas pouvoir me comprendre. C’est aussi pour des personnes comme elle que je compose de plus en plus en français. Aujourd’hui, avec les mots de Corinna, c’est bon, elle peut me suivre sur toute la ligne.»
Propos recueillis par Joël Cerutti
Aurélie, prochaines dates
18.12 Montagne! Trio & Aurélie Emery, Temple de Nyon
08.02 Le Kremlin + Louis Jucker feat Coilguns, Monthey