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Depuis mars 2019, Fred Bonvin tient le Bonvini Bar à Sierre. Face aux obstacles, il oppose une conviction en kevlar et refuse de céder du terrain à la sinistrose. « Son » bar, il le façonne à son image : décalée et alternative. Fred y prévoit un cabaret burlesque sous peu !

 

Note : sous son air juvénile, Fred Bonvin a déjà de la bouteille dans le métier. Au service de Sa Majesté le client, il a roulé sa bosse entre Chamoson, Sion, Sierre. Le temps que les réalités du métier l’imprègnent et qu’il décide d’en distiller son propre jus. Fred n’est non plus tombé de la dernière tournée. À 33 ans, avec deux modules sur cinq réussis côté brevet fédéral et une autorisation d’exploiter,  il aurait comme qui dirait des bases sérieuses.

Depuis mars 2019, il gère à Sierre son propre établissement, le Bonvini Bar, un poème de bistronomie à la Rue Rilke 4. Dans la fluide et nourrie conversation, Fred rebondit sur le mot : « Je suis un artiste de bar… » Quel talent ? « J’invite ! », complète ce Colombien d’origine, adopté en terres valaisannes. Dans sa bouche, « artiste » signifie, je décode, « Petit gars qui manie son imagination pour que sa clientèle reparte avec le sourire d’un lobe à l’autre ». Cette dynamo, cette turbine, cette batterie chargée à bloc distribue son plaisir à celles et ceux « qui sont des êtres humains et pas des portefeuilles… ».

Géographie (chamboulée) autour du Bonvini Bar

Pause. Je reviens à la source des enjeux et, dans l’œil de ce cyclone, je propose un regard extérieur. Car le défi de Fred Bonvin le propulse au sein du surprenant que j’explore. Le sieur a repris un petit bar qui, jadis, portait le nom de City. Il y cumule les casquettes de taulier et quasi seul employé. Il s’exploite lui-même avec du sept jours sur sept d’ouverture. « Je suis pragmatique, en tant que patron, je m’accorde une période d’essais. » Fred a choisi, volontairement sans que personne ne l’y contraigne, un café EN DEHORS de l’Avenue Général Guisan. (Ici, tu pourrais émettre un éventuel « Gargl » d’angoisse).

En ce moment, sa rue ressemble à une Bérézina qui roulerait des pelles à un Trafalgar. La route a un sens et tous ses dessous bitumés, terreux, montrent leurs ventres au ciel ouvert. Des travaux condamnent les voitures à errer en quête d’une insaisissable place de parc. « En même temps, j’en connais qui se gareraient à l’intérieur du bistrot s’ils le pouvaient… »

Alternatif et décalé comme le taulier

Tu le lis, Fred ne se montre pas découragé ! « J’ai signé pour cinq ans, je ferai en sorte de tenir… » Puis Fred me désigne les alentours, les murs du Bonvini Bar. « Tu remarques qu’il n’y a pas d’horloge au mur ? C’est volontaire… » OK, il pense avoir le temps à l’usure, le chenapan ! J’ai beau camper un avocat du diable empli de mauvaise foi, Fred me riposte avec un air angélique : « C’est certain que c’est un véritable challenge… » Ah quand même ! « Avant de me lancer, j’ai réalisé une étude de marché. J’ai échangé avec Danièle, qui a tenu le City durant 23 ans et Nellie, durant 5 ans… » Affranchi sur l’ADN du périmètre, il recycle les ingrédients de base (expositions, concerts, tea-room) et les customise à sa « sauce ». Que ça lui ressemble, quoi. « J’ai un côté épicurien, j’apprécie les bonnes choses, je crois qu’il faut donner pour recevoir… » Cette boomerang philosophie, Fred la doit à ses parents adoptifs frappés par le virus de la bougeotte. « Ma mère était hôtesse de l’air, en famille, nous avons voyagé aux USA, au Québec, en Italie, en Espagne… À la maison, nous aimions beaucoup recevoir… » Le bacille de la restauration se développe en cet être qui me confie, au moins deux fois : « César Ritz, c’est mon idole. J’essaie de suivre sa ligne. Il a tout compris des notions de service et d’approches de la clientèle. Ce qui m’importe au Bonvini Bar, c’est que créer un univers, autre chose que ce qui existe déjà. C’est alternatif, c’est décalé comme je le suis moi-même. »

Ambassadeur d’ambassadeurs

Fred, personne n’osera le nier, SAIT recevoir. Ce rôle d’amphitryon, il l’approche avec conviction et rigueur. « Je suis l’ambassadeur d’une région, du tourisme local, de mes fournisseurs… et c’est ainsi que les clients deviennent à leur tour mes meilleurs ambassadeurs. Le monde attire le monde… Mon métier est un tout. »

Fred, nul ne le prendra en défaut sur ce registre, CONNAÎT ce qu’il sert. « J’ai choisi par exemple mes bières artisanales avec mes propres pressions. » Ce qui signifie qu’il a investi de ses propres sous, aucune grande brasserie ne lui a fourni les machines clés en main. La décoration de ses tables se calquera sur les teintes du drapeau colombien mais Fred joue local, produits locaux, vins locaux. « Il y a une cinquantaine de propriétaires encaveurs, mon but est de travailler avec tout le monde, mettre en valeur des petites caves méconnues. On doit venir chez moi à la découverte… » Sous peu, ses apéritifs mettront en valeur le talent de Jonathan Gaudin, juste en passant…

Entre autres, Fred a puisé ses axes du côté de Yasmina, dame notablement connue dans la restauration valaisanne, gérante actuelle de Paulette & Co. « C’est aussi une artiste, elle y va, elle avance ! À sa bonne école, j’ai appris comment tenir un établissement du matin au soir, d’être seul à un poste à responsabilités. Ce n’était pas évident et cela a été une sacrée belle aventure. J’ai adoré ! »

Et voici le « Bonvini Cabaret »

Comme son énergie semble à revendre, Fred s’est glissé dans le Groupement des commerçants de Sierre. Ville dont le soleil entre en pleine éclipse lorsque s’égrène la liste des enseignes qui s’apprêtent à tirer un rideau définitif. « Oui, une bonne majorité ferme, ça inquiète et on serait tenté de baisser les bras. Je me dis aussi qu’il y a une nouvelle dynamique avec beaucoup de jeunes qui reprennent des établissements. Alors il faut mettre la main à la pâte, y aller, avoir du goût pour se dire que ce n’est pas fini, qu’on est là. Ensemble… » La langue hors de sa poche, Fred met aussi des réalités face aux décideurs communaux. « Ils ont comme de la peine à se mettre à la place du commerçant… Que faire pour nous aider ? Comment proposer des places de parcs lors de travaux ? »

En solo, Fred tire les premières leçons de ses quelques mois d’exploitation : de l’événementiel plus ciblé, des concerts plus acoustiques. Fred me parle d’un futur « Bonvini Cabaret », du burlesque avec barres de pôle dance, organisé d’ici quelques semaines. « Ce côté bonbon rose, ça manque à Sierre, non ? » Cette fois, mon intuition est confirmée. J’ai un doux dingue en face de moi, je le savais.

Joël Cerutti

Le printemps 2020 a été fatal aux énergies de Fred qui a quitté cette aventure. Je laisse l’article sur le site car il s’agit d’un bel épisode de son existence.

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